Vous qui m’avez ouvert et me tenez dans vos mains, sachez qu’aujourd’hui, je me raconte.
Moi, le livre, je me raconte, j’ouvre mon cœur et vous confie une histoire d’amour entre une enfant et moi, entre une jeune fille et moi, entre une femme et moi, lectrice avec qui j’ai partagé des années de passion. J’en ai assez d’être le support des autres, de toujours devoir subir leur prose et leurs discours, leurs angoisses, leurs folies.
Je ne veux plus exister par procuration.
Je ne veux plus qu’on m’aime ou qu’on me déteste, prisonnier de celui qui écrit, aliéné à la plume d’un auteur fou, médiocre ou génial, condamné à épancher les larmes de l’amour perdu, voué à raconter les autres, réduit à laisser mes pages vierges violées par une encre pas toujours sympathique, esclave de ma propre condition.
Moi aussi je veux parler, je veux vivre autrement, limer les barreaux qui me bâillonnent et sortir de l’ombre.
Être le contenu et le contenant. Le dehors et le dedans.
Que chaque page m’appartienne.
Que chaque phrase me décrive.
Que chaque mot soit mien.
Que chaque lettre soit une note sur la partition de ma vie.
Que les virgules et les points rythment, de silences et de soupirs, ma propre symphonie.
Être en abyme avec moi-même.
Le livre à l’intérieur du livre.