Une brève monographie et un long entretien avec l’auteur du « Cycle Clandestin » et autres merveilles noires en prise sur nos époques. Une belle réussite.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/09/22/note-de-lecture-doa-retablir-le-chaos-elise-lepine/
Comme l’indique d’emblée Élise Lépine (et comme le confirme au passage l’auteur lui-même) dans son précieux ouvrage, paru dans la « petite » collection Face B de Playlist Society (dont on salue au passage cette superbe incursion dans la littérature, à partir de leurs univers d’origine du cinéma, des séries télévisées et de la musique) en juin 2023, DOA n’est pas un « écrivain mystérieux » mais un auteur « discret » (et nous n’avons pas dit « secret », bien entendu).
Dans cet exercice pas du tout facile que constitue le couplage d’une (brève) monographie et d’un grand entretien, les deux artistes (autrice intervieweuse et auteur interviewé) nous offrent une belle réussite, qui ravira évidemment toutes les amatrices et amateurs de l’auteur de « Citoyens clandestins », du « Serpent aux mille coupures », de « Pukhtu Primo« et de « Pukhtu Secundo » (quatre romans de 2007, 2009, 2015 et 2016 qui constituent désormais le « Cycle clandestin », pour lequel DOA est particulièrement – et fort justement – célébré, et dont on attend avec une certaine impatience l’adaptation en série télévisée réalisée par Laetitia Masson). Une occasion rare, à moins d’avoir largement fréquenté les rencontres en librairie – longtemps peu fréquentes proposées autour de l’auteur, comme celle-ci), d’en savoir enfin davantage sur les tenants et aboutissants de cette puissante construction romanesque, tant du côté de son inspiration et de sa documentation pour rendre compte avec tant d’acuité d’un univers de services secrets, de terrorismes et contre-terrorismes, de forces spéciales et d’intérêts économiques et politiques fortement divergents, que du côté de son agencement proprement dit, de l’élaboration des personnages et de leurs interactions, de la manière dont le réel et la fiction s’articulent finement pour aboutir à un tel résultat, cruel et enchanteur.
Ces 150 pages d’analyse et d’entretien constituent de surcroît une occasion unique de saisir les hasards et les nécessités intervenant dans le développement de l’œuvre de l’auteur, le jeu des temporalités, la manière dont lui-même juge ses réussites et ses échecs (relatifs) à l’aune de ce qu’il y avait mis en jeu. On repasse ainsi de précieux moments, sans fausse nostalgie, autour des précurseurs « Les Fous d’Avril » (2004) et « La Ligne de Sang » (2004) ou bien autour de l’expérience de collaboration avec Dominique Manotti pour « L’Honorable Société » (2011). On comprendra mieux pourquoi « Lykaia » (2018) a pu tellement surprendre une partie du lectorat de l’auteur, alors même que la logique du projet était sans faille réelle, et pourquoi « Rétiaire(s) » (2023), projet ayant connu plusieurs vies décalées, a dû ruser avec des tempos et des univers désormais, rétrospectivement, si différents.
« DOA, rétablir le chaos » est un ouvrage qu’il faut lire, quand bien même on ne serait pas déjà une ou un fan de DOA, tant il y a de brio sérieux et détendu développé ici pour nous quant à la construction littéraire et à son rapport de phase avec notre époque. Et l’on souhaite férocement que Playlist Society prenne goût à cet exercice trop rare dans le paysage éditorial français, et s’attaque dans l’avenir à d’autres autrices et auteurs qui nous sont également chères.
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