Elsa Andry

Une écriture qui a l'élégance de la simplicité, tranchante, directe. Qui expose les faits sans détours. Les images érotiques défilent comme un film qu'on regarderait en léger fast-forward, muet et dérangeant. Les faits, c'est la descente aux enfers d'une jeune femme, séduite sur son lieu de travail par un homme plus âgé et sans scrupule, puis entraînée par lui dans une spirale de plus en plus dégradante de sexe extrême.

Au début, le plaisir et l'excitation sont au rendez-vous, nimbés par la fierté qu'elle éprouve d'avoir été choisie par lui qu'elle admire tant. Puis elle se sent tour à tour utilisée, prostituée, violée. Et toujours, elle continue à dire oui, à obéir aux ordres, à céder quand il insiste pour la traîner dans un club libertin, au bois ou dans un cinéma porno, où reprendra le défilé des verges anonymes qui finiront immanquablement par la souiller... parce qu'il l'a annoncé dès le début : c'est ça qui lui plaît, la livrer à d'autres.



Difficile de dire exactement ce qu'est ce livre. Témoignage ? Dénonciation à la "balance ton porc" ? Autofiction érotique ? La narratrice explique sa démarche et son objectif, mais reste tout du long dans l'ambiguïté entre plaisir et dégoût, excitation et nausée. Comme une ultime trahison, sur la page de titre, Franck Spengler a apposé son nom si haut et si visible que c'est à se demander quel rôle il joue dans l'affaire, quelle aura il entend faire briller sur ce texte.

Il en résulte un relent de pornographie à l'ancienne, qui émoustille tout en se revendiquant inacceptable, à notre corps défendant en quelque sorte. L'emprise que décrit presque trop subtilement Elsa Andry, celle qui la pousse à agir dans une totale dissociation de son corps et de son esprit, se ressent encore dans cette écriture qui survient, si on en croit la 4e de couverture, 3 ans après. Elle est encore présente à la dernière page, cachée sous le mot "amour" qui n'a rien à faire là. Si j'ai été touchée pour ma part, combien de lecteurs et lectrices sont capables de le percevoir ?