La guerre impose à l'homme une pression telle qu'elle contraint l'esprit et le corps, en un violent éclat, à des performances inattendues ; des possibilités insoupçonnées de grandeur comme de bassesse s'éveillent en lui.
A la mémoire
des prisonniers de guerre
reposant en terre étrangère.
On se demandait instinctivement d'où venait cette force chez des hommes tombés en captivité qui luttaient contre la mort. Elle émanait en vérité de la source intérieure des peuples de haute culture, qui élève l'homme au-dessus de son environnement.
La faim et le froid, les mauvais traitements et les humiliations eurent raison des forces de bien des soldats et les conduisirent de la prison à l'asile d'aliénés ou au cimetière.
L’atmosphère dans le camp fut bientôt si tendue qu’une mutinerie menaça d’éclater. Ces terribles conditions devaient changer, l’instinct de vie des prisonniers se soulevait contre une mort lente et absurde. Tous savaient qu’un hôpital vide, fermé, était situé tout près et qu’en ville les Russes disposaient de médicaments. Une ambulance américaine envoyée au secours des prisonniers, avec des médecins, des infirmières et du matériel, sollicita d’ailleurs vainement auprès de l’état-major à Irkoustk l’autorisation de se rendre à Sretensk pour y enrayer l’épidémie. La colère et le désespoir des prisonniers grandissaient, car ils savaient qu’ils pouvaient recevoir de l’aide, mais que celle-ci leur était refusée.
Les Russes reconnurent l'audace, l'organisation et l'intelligence de nombreuses tentatives de fuite et, souvent, ne purent se retenir d'exprimer leur admiration.
Dans ce monde dissimulé derrière les murs des locaux d'arrêts et des prisons, le mélange de bonté et de cruauté propres aux Russes trouva son expression la plus frappante. Aucun contrôle n'y fut effectué par des instances supérieures.
Pour beaucoup, la fuite fut en vérité la mort ; et pour la plupart, elle entraina qu'une captivité plus sévère, derrière les gilles d'une prison.