Céline est un bloc. A prendre ou à laisser. Mais si on prend, on ne laisse rien. Le même homme est à l'origine de toute l'oeuvre, une et indivisible. Si on lui trouve du génie, on ne peut faire l'économie de l'abjection, des vomissures, de la haine. Cette haine dont il avait commencé par dire que, décidemment, elle rendait encore plus bête que l'amour. Elles ont partie liée avec sa création. C'est triste à dire, mais elle renforcent aussi la puissance comique de certaines de ses pages les plus délirantes…Il n'y a pas deux Céline, le génial romancier et l'infréquentable pamphlétaire. Il n'y en a pas non plus un troisième, l'émigré que d'aucuns jugèrent peu inspiré. Il 'y en a qu'un, qui les réunit tous. Sa cathédrale de prose s'appuie sur tous ses textes. Sans exception.
Pierre Assouline, "Le fleuve Combelle", Calmann-Lévy, 1997.
Je n'admire pas forcément des gens admirables. Selon les circonstances ça peut-être Camus ou le balayeur du coin. Mais le plus grand écrivain du siècle, pour moi, c'est Céline.
Georges Brassens, Paris-presse, 1967.
Céline, c'est le patron. J'ai eu le choc Céline, je suis pas le seul de ma génération, on a été télescopé par un type qu'est hors du commun, par un type démesuré dont maintenant il est vain de chanter les mérites parce que maintenant d'autres s'en chargent…
Bon gré mal gré, je suis sûrement un enfant de Céline. Je ne parle pas évidemment de ses prises de position politiques, qui étaient les siennes, qui ajoutent d'ailleurs à mon avis à son personnage, qui sont bizarres et qui font partie de cette bizarrerie monumentale qui était la sienne. Mais Céline m'a fait pour beaucoup. "Mort à crédit" est le chef-d'oeuvre tout court de ce siècle.
Frédéric Dard
Céline et la mentalité de petit-commerçant:
Bref, si l'on devait résumer, quand on est fils de commerçants, l'ennemi est partout. La concurrence qui veut vous voler vos clients, les voisins qui ne cherchent qu'une occasion favorable pour vous faire tomber, et enfin les clients qui ne cherchent qu'à payer le moins cher possible, voire pas du tout. On peut en penser ce que l'on veut, mais être immergé dans un tel contexte à la fois familial et économique, cela influence fortement les esprits et conditionne les attitudes. Dès lors, il ne faut pas s'étonner que, devenu écrivain, Céline affiche un certain pessimisme à l'égard de ses congénères:"Faites confiance aux hommes, c'est déjà mourir un peu."
p.115 David Alliot
On ne fait pas de littérature avec de bons sentiments
La "célinie" est une véritable auberge espagnole. Chacun a son Céline et y met ses fantasmes.
Nous sommes tous partis du même choc. Le reste est une affaire de situation personnelle.