LES PLAINTES DE LA JEUNE FILLE.
Ballade. (Schiller)
La cime des Forêts frissonne sous l'orage...
Au bord du fleuve ému la vierge va s'asseoir.
Les vagues à ses pieds se heurtent avec rage;
Sa plainte se répand dans les ombres du soir,
Et des pleurs baignent son visage :
— « Mon cœur est mort, la flamme à ce cœur est ravie j
Le monde est un désert , son prestige est brisé.
Sainte, rappelle à loi l'enfant qui t'a servie :
Des bonheurs de la terre, ah .' j'ai tout épuisé;
Ayant aimé, j'ai clos ma vie. »
— « Aux plaintes vainement ta douleur s'abandonne :
Les pleurs sont impuissants à réveiller les morts;
Mais dis, quelle autre fête ou bien quelle couronne
Remplacerait pour toi l'amour et ses transports ?
Moi, la sainte, je te les donne. »
— « Coulez donc, ô mes pleurs ! éclatez, plaintes vaine !
Éclatez et coulez sans réveiller les morts.
Pour celle qui d'amour vit se rompre les chaînes
Il n'est plus d'autre joie, hélas ! ou de trésors
Que ses soupirs même et ses peines. »