Un après-midi - j'ai environ douze ans -, je suis au bord du ruisseau à truites qui coule non loin de notre maison de campagne, près de Baldwin, au Michigan. Tout à coup, des ossements qui affleurent sur le sable de la rive attirent mon attention. Il faut dire qu'à cette époque, j'hésite avant de jeter ma ligne à l'eau, surtout quand les truites mordent ! Et ces os sont tout simplement intrigants. Je m'avance vers la rive, retire quelques os du sable. D'autres sont enfoncés dans la boue noire, tout juste sous la surface du lit du ruisseau. Je suis convaincue d'être tombée sur des bois de cerf, ainsi que sur des côtes et un pelvis. Je décide de ne pas entrer avant d'avoir retrouvé chaque morceau de squelette.
Certains professionnels sont des pathologistes, c'est-à-dire des spécialistes qui travaillent sur les tissus mous. Les anthropologistes judiciaires - comme Emily et moi - sont des spécialistes qui étudient les ossements. Un corps mort depuis peu, ou demeuré relativement intact, est confié au pathologiste. Un squelette dans un grenier, un corps noirci dans un Cessna, des fragments d'os dans un éclat de bois, voilà des éléments réservés à l'anthropologiste judiciaire. En nous servant d'indices concernant le squelette, nous nous intéressons à l'identité du corps, au moment et aux circonstances de la mort, et aux conclusions de l'autopsie.
Mes nouveaux amis me félicitent, puis ils me disent de ne pas manquer la présentation sur l'anthropologie judiciaire à la Body Farm, le célèbre département d'anthropologie judiciaire de l'Université du Tennessee à Knoxville, où on laisse littéralement pourrir les corps afin que les étudiants et les professeurs puissent étudier les restes et évaluer l'évolution de la décomposition.
Curieusement, ce sont les soins que le meurtrier a déployés pour dissimuler l'identité de sa victime qui ont permis la conservation du corps. Les sacs de plastique, bien attachés et jetés dans la rivière ont protégé leur contenu - ce qui n'aurait pas été le cas si les restes avaient simplement été jetés dans la forêt.
Ma profession a été ignorée des masses pendant des années, et je découvre aujourd'hui que mon champ d'action est soudainement devenu à la mode !