Mais il serait particulièrement difficile de classer toutes les superstitions remarquables de Transylvanie, car il est probable que nul part en dehors du pays par-delà la forêt cette plante singulière, trompeuse et capricieuse ne s'épanouit avec autant d'obstination et d'étonnante diversité. C'est comme si démons, fées, sorcières et lutins au grand complet, chassés du reste de l'Europe par la baguette de la science, avaient trouvé refuge derrière les remparts montagneux de ce pays, certains d'y trouver un repaire sûr d'où défier pour un temps encore leurs persécuteurs. (p. 39)
Au moment de quitter la Transylvanie où j'avais vécu pendant deux ans, je me sentis tel Robinson Crusoé subitement arraché à son île déserte pour retrouver ses semblables. Malgré ce que me disent mes sens et ce que n'importe quel atlas confirme, je ne peux me défaire de l'idée que le pays que j'ai laissé derrière moi est une île en vérité – une île peuplée de compagnons étranges et incongrus, dont je me sépare avec un sentiment partagé de regret et de soulagement que je m'explique difficilement.
Afin de réconforter les mortels moins chanceux qui ne sont nés ni un dimanche ni au son des cloches, je me dois de préciser que ces insuffisances peuvent être en partie compensées et la clairvoyance de votre esprit aiguisée par la consommation de pain rassis, si bien que celui qui fait l'effort de ne se nourrir que de miches moisies au cours de l'année précédente aura peut-être, s'il survit à ce régime éprouvant, la bonne fortune de découvrir un trésor. (p. 118-119)