Nous sommes nées d’un père absent et d’une mère acariâtre. D’un coup de vent sur un roncier malade. Il en est tombé deux fragiles épines : Louise et moi. Je m’appelle Gabrielle. Gabrielle Magne. Je n’ai pas dit un mot depuis dix ans. Je laisse mourir les heures, assise sur le banc, à côté de la vieille yeuse, une naine à cinq troncs qui ne parle pas non plus, qui est là depuis des siècles, comme moi. Je n’attends rien. Je vis seule. J’ai toujours été seule. Ils m’appellent « la désolée ». Le frère de Maria m’a donné la ferme des Roccetti. Après le drame, il a envoyé un courrier au notaire dans lequel il a dit : « Laissez-la-lui. Que voulez-vous que j’en fasse ? Vendre ce machin, ce serait toucher l’argent du malheur. ».