La bête s’épuise
La bête s’épuise, se fait oublier dans le corps. Mais j’ai peur d’ouvrir mon courrier, tant j’ai conscience d’être abattable à la moindre virgule.
Sortir de l’impossible TOUT en UN. Attraper l’ombre des mots entre les murs des maisons, entre leurs murs d’images et de murmures et de secrets qui palpitent comme des cœurs opérés.
Il y a tant de beauté que parfois je suis sur la ligne de l’insoutenable, debout à la place de l’impossible mot qui pourrait la contenir. À vouloir la ramener au bercail, à la contraindre aux murs du corps, elle les explose. À vouloir la nommer elle punit la langue en lui ôtant toute signifiance. À côté d’elle, le langage est vide et plat, abominablement fonctionnel, un vagin.
Certaines images regardées contre une certaine musique peuvent l’évoquer ; qui produit une sorte de démence héroïque. Je suis chaque brin du monde et je palpite d’un désir sans objet qui les embrasse tous. Mais quand je me retourne c’est l’autre dans le miroir qui me regarde et m’arrête.
L’autre dans le miroir où je me rencogne comme entre les arêtes d’un mur, comme entre le début et la fin de l’histoire que tous les soirs la voix déroule à l’enfant. Toujours la même. Un lieu fascinant et familier avant de basculer dans la terreur qui rôde. Et la voilà mutée et pulsée comme une volée de chauve-souris attaque l’air organique. Tout file dans un flux en-deçà du langage et je ne peux rien arrêter. Je sais qu’après le grand RIEN va s’ouvrir. Je suis épuisée de cette autophagie circulaire. L’araignée tisse sa toile, elle est sa propre proie.
Il y a l’œil qui la dissout.
Il y a l’œil qui ne la voit pas.
Goût de fanures.
La fleur allongée dans l’herbier n’est pas morte, elle pourrit.
Canines
Il était une fois…
Petite, déjà, j’étais comme ombrée. À la fois nulle comme un zéro barré mais projetée par terre, sur l’écran de la rue, mais tirant une silhouette à la traîne. Ses proportions humoristiquement extravagantes aux miennes. Une syntaxe tordue.
Et c’est alors que.
Un jour tes yeux me voient, ils me Saint-Sébastiannisent avec cet air de jouir quand on meurt.
Ma vie ne s’additionne pas, je ne suis pas la somme des éléments qui me composent et TU ES ! Je n’ai plus d’écorce mais sous ton oeil je suis ultravivide. Je phosphoresciolle, j’arborèle, je t’épiclèse et t’incube au cycle de mon orbe. Tout sent l’éternel et le sang frais de l’ultravie qui palpite.
Cercles
Jour et nuit sous le tic-tac de l’horloge ne se décroisent. Le reste du temps n’existe plus hors de cet étirement extrême. Deux demi-cercles de parenthèse, la ligne droite d’une soustraction. Tous les symboles sont regroupés sous le signal lumineux SORTIE. Le cru de la chair empalé sur la herse de circonstances qui ont allure de stratagèmes même pour moi. Le vide est un mot bien trop plein.
Funérailles naines
je ceinture de pierres
mon petit tertre de chair
ma boule atone de silence
je mâche la langue
sa viande vivante
ses mots infirmes
intimement connus
stupéfiée d’aboulie
j’allume la petite lampe
pour me faire un cœur
je ceinture de pierres
mon petit tertre de chair
ma boule atone de silence
je mâche ma langue
sa viande vivante
ses mots infirmes
intimement connus
« Funérailles naines »