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Citation de Villoteau


Le langage est-il transmission et écoute des messages qui seraient pensés indépendamment de cette transmission et de cette écoute ; indépendamment de la communication (même si les pensées ont recours à des langues historiquement constituées et se plient aux conditions négatives de la communication, à la logique, aux principes de l’ordre et de l’universalité) ? Ou, au contraire, le langage
comporterait-il un événement positif et préalable de la communication qui serait approche et contact du prochain et où résiderait le secret de la naissance de la pensée elle-même et de l’énoncé verbal qui la porte ?
Sans tenter d’exposer cette naissance latente, la pré-sente étude a consisté à penser ensemble langage et con-tact, en analysant le contact en dehors des « renseignements » qu’il peut recueillir sur la surface des êtres, en analysant le langage indépendamment de la cohérence et de la vérité des informations transmises – en saisissant en eux l’événement de la proximité. Événement évanescent aussitôt submergé par l’afflux des savoirs et des vérités qui se donnent pour l’essence, c’est-à-dire pour la condition de la possibilité de la proximité. Et n’est-ce pas justice ? L’aveuglement, l’erreur, l’absurdité – peuvent-ils rapprocher ?
Mais la pensée et la vérité peuvent-elles forcer Autrui à entrer dans mon discours, à devenir interlocuteur ? L’évanescence de la proximité dans la vérité est son ambiguïté même, son énigme, c’est-à-dire sa transcendance hors l’intentionnalité.
La proximité n’est pas une intentionnalité. Être auprès de quelque chose n’est pas se l’ouvrir et, ainsi dévoilé, le viser, ni même remplir par l’intuition la « pensée signitive » qui le vise et toujours lui prêter un sens que le sujet porte en soi. Approcher, c’est toucher le prochain, par-delà les données appréhendées à distance dans la connaissance, c’est approcher Autrui. Ce revirement du donné en prochain et de la représentation en contact, du savoir en éthique, est visage et peau humaine. Dans le contact sensoriel ou verbal sommeille la caresse, en elle la proximité signifie : languir après le prochain comme si sa proximité et son voisinage étaient aussi une absence. Non point un éloignement encore susceptible d’être entendu dans l’intentionnalité, mais une absence démesurée qui ne peut même pas se matérialiser – ou s’incarner – en corrélatif d’un entendement, l’infini, et ainsi, dans un sens absolu, invisible, c’est-à-dire hors toute intentionnalité. Le prochain – ce visage et cette peau dans la trace de cette absence et par conséquent dans leur misère de délaissés et leur irrécusable droit sur moi – m’obsède d’une obsession irréductible à la conscience et qui n’a pas commencé dans ma liberté. Suis-je dans mon égoïté de moi autre chose qu’un otage ?
Le contact où j’approche le prochain n’est pas manifestation ni savoir, mais l’événement éthique de la communication que toute transmission de messages suppose, qui instaure l’universalité où mots et propositions vont s’énoncer.
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