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Citation de Emma555


Le temps s’abeausit ; le voyage n’en sera que plus aisé, pensa la Storace tandis qu’elle se contemplait sans indulgence dans le grand miroir de sa loge. Ses yeux bruns et larges conservaient toute leur séduction malgré l’examen sévère qu’elle faisait de sa personne. Elle s’attarda sur le long nez un peu fort, sur l’olivâtre de son visage ovale, sur la bouche charnue et vermeille si séduisante par ses promesses implicites. Ses lèvres s’entrouvrirent, s’arquèrent, coins relevés, rompant son immobilité.
Queue de sa robe retroussée pour ne pas la piétiner, Ann Selina Storace recula d’un pas. La surface polie lui renvoya, dans le miroitement ambré des chandelles, l’image d’une courte silhouette vêtue de blanc filigrané d’argent et de bleu flatteur, dont l’embonpoint naissant ne se manifestait plus que par des fossettes appelant les baisers. Elle en usait habituellement avec alacrité. Tout comme des œillades, d’ailleurs. L’échafaudage savant de la coiffure, couronné d’une plume impertinente qui frisait autant que ses yeux, lui conférait une prestance faisant mentir les dons de la nature. Mais ce que sa personne devait à l’illusion était immédiatement contredit par la vivacité que la jeune femme de vingt-deux ans entretenait soigneusement tant à la scène qu’à la ville, donnant à ses moindres gestes l’effronterie légère d’une fauvette aguichante — un naturel redoublé par ses emplois au théâtre. Car Ann Selina Storace, "prima buffa" sur le départ de la troupe d’opéra italien de Vienne, chantait les premiers rôles de soubrettes, cruciaux dans le répertoire comique qu’elle affectionnait, et dans lequel elle s’était taillée une réputation continentale.
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