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Citation de sariahlit


J'ai ressenti un immense vide lorsque Matthieu, notre fils cadet, est à son tour parti rejoindre sa nouvelle école, à l'autre bout de la France, dans le Sud, comme son frère aîné l'avait fait avant lui l'année précédente. Son baccalauréat en poche, il avait passé des concours, et les avait brillamment réussis. Nous étions très fiers. Son choix d'éloignement nous avait néanmoins surpris, d'autant qu'il s'était toujours montré très casanier, ce qui avait accentué la brutalité de son départ. Quelques-unes de mes amies avaient déjà vécu pareille situation, mais comme cela ne m'était pas encore arrivé, je ne pouvais prendre la mesure du cataclysme qui s'abattait sur ma vie : l'appartement désert au petit matin, le silence étourdissant du grand couloir, le bol de mon mari dans l'évier de la cuisine, un pense-bête jaune collé sur la table de verre de la salle à manger me rappelant sa réunion jusqu'à vingt et une heure au moins, les portes des deux chambres de nos garçons qui ne s'ouvriraient pas, le seul bruit de mes pas, puis la radio, intarissable et sourde compagne, le courrier vers onze heures, le repas de midi devant un journal, du shopping pour tuer le temps, un livre qui m'ennuierait peut-être, un disque, un bain, le repas du soir devant la télévision, l'envie de pleurer, d'être ailleurs, dans une autre vie.
La tentation de décrocher le téléphone, bien sûr, mais qui appeler ? Mes amies travaillaient, et quand elles rentraient, je savais ce qui les attendait : les devoirs du petit dernier, le dîner à préparer, une pile de linge sur le canapé du salon, un compagnon à écouter. Si elles ne m'appelaient pas, j'attendrais le week-end pour prendre de leurs nouvelles et confirmer notre rituelle séance de tennis du dimanche matin.
J'avais eu le tort, une dizaine d'années plus tôt, de compter sur le confortable salaire de mon époux et l'héritage conséquent de ma marraine, compagne d'un riche industriel rencontré à un âge où ils ne pouvaient plus, ni l'un ni l'autre, avoir d'enfants. Ma meilleure amie m'avait pourtant prévenue :
- Brigitte, je te conjure de plaider encore. Associe-toi, travaille à temps partiel, prends peu de clients, juste quelques-uns. Le jour où tu te retrouveras seule, ni ne le regretteras pas !
Je n'avais pas voulu voir qu'elle avait raison parce que cette solitude n'arriverait jamais. Maintenant il était trop tard : le droit ne m'amusait plus, la robe me semblait ridicule. Les manières du prétoire me désolaient, et surtout je n'avais aucun désir de me replonger dans la misère du monde : les escrocs, les femmes battues, les tromperies, les mesquineries.
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