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Citation de enkidu_


Dans les sociétés traditionnelles, la guerre aussi était ritualisée, c’est-à-dire intégrée à l’ordre social et réservée à une certaine caste dont c’était la fonction, le « dharma », de combattre. Cela tendait à restreindre, à contrôler son pouvoir de nuisance pour qu’elle demeure dans certaines limites et ne devienne pas destructrice comme elle l’est devenue au XXe siècle, un siècle que les historiens nomment le « siècle des génocides ». Sur ce point, Guénon remarque : « Il est étrange qu’on parle de la fin des guerres à une époque où elles font plus de ravages qu’elles n’en ont jamais fait, non seulement à cause de la multiplication des moyens de destruction, mais aussi parce que, au lieu de se dérouler entre des armées peu nombreuses et composées uniquement de soldats de métier, elles jettent les uns contre les autres tous les individus indistinctement, y compris les moins qualifiés pour remplir une semblable fonction(1). »

L’historien David Bell a montré(2) que c’est paradoxalement la volonté de réaliser une paix perpétuelle, comme le voulaient les idéalistes des « Lumières », qui a amené tous les grandes massacres du XXe siècle. Sous l’Ancien Régime et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la guerre était considérée comme inévitable. Elle faisait partie de la vie ordinaire. Les batailles étaient de faible importance et, sauf pendant les guerres de religions, les civils demeuraient le plus souvent en dehors de ces conflits. Il y avait « toute une culture aristocratique la guerre qui fixait les limites ». Avec la Révolution française, sous l’influence de Robespierre, cet état d’esprit changea radicalement. L’Assemblée voulait une « paix perpétuelle », bannir définitivement la guerre, et il fallait pour cela anéantir totalement les ennemis, considérés comme les « oppresseurs de l’humanité ». De ce fait, la guerre devint totale, avec, comme lors de la révolte des Chouans, « suppression de toute frontière entre les combattants et les non-combattants ». Toutes les guerres napoléoniennes, de la répression des esclaves insurgés d’Haïti à la campagne de Russie, sont des expressions de cette « guerre » totale dans laquelle ce ne sont plus des rois qui font la guerre à d’autres rois, mais des peuples qui combattent d’autres peuples. Ce qui a ouvert la porte à tous les grands conflits du XXe siècle.

(1) René Guénon, La Crise du monde moderne, op. cit., p. 105.

(2) David Bell, La Première Guerre totale. L’Europe de Napoléon et la naissance de la guerre moderne, trad. Par Christophe Jaquet, Seyssel, Champ Vallon, « La chose publique », 2010. (pp. 106-107)
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