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Citation de Partemps


Le corps glorieux du Christ ressuscité, en tant qu’il est la cause et le modèle de notre propre résurrection  

Voir par exemple Summa theol., IIIa, q. 54, a. 2, resp., exprime pour Thomas le destin ultime et la vérité profonde du corps humain. Ce dernier est appelé à partager la même gloire et donc à s’élever bien au-delà des limites qui sont les siennes en cette vie présente et qui semblent pourtant lui être constitutives. En effet, après Pâques, le Christ apparaît et disparaît, passe par des portes closes et s’élève dans les airs, se fait reconnaître ou non et, plus important encore, il a échappé à la mort. Et Thomas de comprendre les traits évoqués en une série d’antinomies par la première épître aux Corinthiens pour tous les corps glorieux comme la désignation d’une condition identique à celle du Ressuscité : « Le corps est semé dans la corruption, il ressuscitera dans l’incorruptibilité. Il est semé dans l’ignominie, il ressuscitera dans la gloire ; il est semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la puissance. Il est semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel » (1 Co 15, 42b-44a). Il s’agit d’un destin prodigieux, qui passe par une profonde transformation. Or l’Aquinate ne cherche pas moins à penser celle-ci en termes philosophiques, comme l’achèvement logique du schéma hylémorphique hérité d’Aristote : la « gloire » de la chair ressuscitée correspond à l’information parfaite de la matière par la forme en l’homme, c’est-à-dire à l’unité achevée de l’âme et du corps.

Cette audacieuse tentative de faire de la gloire l’accomplissement et le sens du corps ne va pourtant pas de soi. En sa perfection quasi sans limites, le corps ressuscité n’a-t-il pas franchi les frontières de ce qui peut encore se nommer corps ? Et les cadres et catégories du Stagirite ne sont-ils pas sollicités au-delà de leurs capacités, et donc de leur pouvoir de signifier, lorsqu’ils sont censés exprimer cette nouveauté inouïe ? Le problème qui se pose alors est de savoir si, en comprenant le corps du Ressuscité comme le dévoilement de la vérité du corps humain, Thomas valorise réellement ce dernier, en proportion à la beauté de sa vocation, ou s’il ne s’agit pas plutôt d’un refus caché de ce qui est le propre de la corporéité humaine, d’un dédain qui ne s’avoue pas pour ce qui lui est le plus spécifique. Cela n’est pas sans enjeu pour nous : derrière l’admiration pour ce qu’il deviendra, peut se cacher un secret mépris pour ce qu’il est.

Il convient par conséquence de commencer par prendre acte de la vocation prodigieuse du corps humain et de développer plus en détail ce que Thomas saisit de son sens à la lumière du corps du Christ ressuscité. Il sera ensuite possible d’évaluer s’il s’agit d’une valorisation ou d’une déconsidération de la corporéité, en jaugeant ce qu’il advient de celle-ci, mais aussi en vérifiant la place accordée dans la vie de gloire à certains traits spécifiques de la corporéité, comme le plaisir sensible, ou encore la limite et la finitude.

La vérité du corps humain ) La chair ressuscitée comme accomplissement de l’hylémorphisme
Thomas conceptualise le donné révélé en le resituant dans le cadre aristotélicien : la chair ressuscité perfectionne et accomplit le rapport de forme à matière qui est celui de l’âme et du corps. En effet, dans la vie présente, quoique informé par l’âme, proportionné à elle, nécessaire, le corps n’en est pas moins, comme plus généralement la matière, ce qui résiste, limite et fait obstacle à l’opération de l’âme. En revanche, chez le Christ ressuscité et chez tous ceux qui sont conformés à lui par la résurrection, l’information se fait sans obstacle. La forme domine entièrement sa matière, l’esprit se soumet entièrement le corps : « C’est la condition du corps glorieux [du Christ] d’être ‘spirituel (spirituale)’, c’est-à-dire soumis à l’esprit. »  

Summa theol., IIIa, q. 54, a. 1, ad 2. « [Le] corps sera…. « Corps spirituel », au sens large de l’expression, signifie corps traversé de part en part par l’esprit, entièrement pénétré de l’âme  

Voir par exemple Contra Gentiles, IV, 86.. Cela se produit avant tout grâce à l’union de l’âme à Dieu dans la vie bienheureuse. De fait, alors qu’elle n’était tout simplement pas à même d’exercer son rôle à la perfection dans sa vie terrestre, elle reçoit de la visio une puissance nouvelle qui lui permet cette domination totale sur sa matière : « Puisque l’âme se trouvera au sommet de la noblesse et de la puissance – étant donnée qu’elle sera unie au premier principe des choses –, elle conférera au corps qui lui sera divinement uni [ses qualités nouvelles], l’ayant totalement en son pouvoir (totaliter ipsum sub se continendo). »
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