Personne n'a surpassé Rembrandt dans l'expression qui est l'âme de la peinture. Il y atteignit par le dessin, la touche et le clair-obscur, trois parties de l'art où il excellait. Le dessin? Sans doute Rembrandt ne l'a point châtié avec la correction qu'on enseigne dans les académies, et qui parfois dégénère en pédantisme; il n'a pas connu ces proportions exquises, ces purs contours dont l'antique nous a fourni les modèles, et qui ne se trouvent dans la nature qu'incomplets et dispersés. Mais si Rembrandt a ignoré ce qu'on appelle le Style, il va suppléé par une qualité de premier ordre qui est le sentiment. C'est en parcourant les inimitables eaux-fortes de son œuvre, dont un grand nombre ne présentent que des croquis légers, qu'on peut voir à quel degré d'expression le seul génie du dessin peut conduire.
Montaigne eût appelé Rembrandt un homme de prime-saut, et de fait il poussa son originalité jusqu'à se montrer jaloux de relie des autres. Ayant ouvert une école à Amsterdam, il en divisa le local en cellules où chaque élève dut étudier séparément le modèle. Il avait deviné que des peintres élevés l'un a côté de l'autre, dans un atelier commun, n'ont rien a gagner a ce frottement, qui, en leur ôtant peut-être quelques défauts, use promptement leurs qualités natives, et leur donne a chacun pour manière un mélange insipide de toutes les autres.
Autant qu'on peut le conjecturer aujourd'hui, en l'absence de documents assez positifs, l'impression des estampes et celle des livres paraissent se rattacher à une commune origine. Malgré toutes les recherches, cette origine reste encore très obscure.
En 1465, au moment où la publication du Traité des offices de Cicéron venait de montrer que la typographie allait prendre le premier rang parmi les inventions les plus utiles et les plus usuelles de l'esprit humain, les estampes commencèrent à paraître en grand nombre. La perfection relative de ces oeuvres force cependant à reconnaître que ce ne sont pas là les premiers essais d'un art tout à fait dans l'enfance, mais bien les produits d'un art déjà assez mûri pour que les artistes qui illustrèrent cette époque lui aient confié la reproduction de leurs inspirations.
La renaissance de cette école éclatera avec Bolswert, Pontius, Vorsterman, etc., sous la direction de Rubens; Van Dyck et son Iconographie offriront un μspectacle, unique réunissant ensemble les souverains, les princes, les grands capitaines, les artistes et les hommes éminents dans tous les genres pendant une assez longue période. Les peintres d'animaux et de paysages y occuperont une large place: on y pourra suivre le double courant qui portait les artistes, les uns à s'attacher au sol natal, et qui entraînait les autres vers le soleil et les sites brillants de l'Italie.
Jusqu'à nos jours, la biographie de cet homme extraordinaire n'a été qu'une compilations d'erreur, de fables et de calomnies. On ne savait rien d'exact sur le lieu et la date de sa naissance, ni sur son nom et sa famille, ni sur son ou ses mariages, ses enfants, ni sur les accidents de sa vie et l'époque de sa mort.
Les découvertes faites par Josi (1810), Nieuwenhuis (1834), Smith (1836), Immerzeel (1841), quelques autres auteurs : Rammelman-Elsevier, archiviste de Leyde, Scheltema, archiviste de la Hollande septentrionale, et surtout M. Vosmaer, dont l'ouvrage le plus ample et le plus complet, ont enfin jeté une vive lumière sur la vie de l'illustre artiste dont nous essayerons de décrire l'œuvre.
Outre cette collection nombreuse, nous avons examiné, autant que nous l'avons pu, le magnifique cabinet d'estampes du British Museum et surtout celui de Paris; nous avons utilement consulté les marchands d'estampes et fait notre profit de ce que nous avons rencontré dans les ventes publiques. Toutefois, nous n'avons pas été assez heureux pour voir toutes les estampes dont nous parlons, mais nous n'avons pas cru devoir les passer sous silence surtout lorsqu'elles étaient mentionnées par des écrivains dignes de foi, décrites dans des ouvrages spéciaux ou dans des catalogues consciencieux.
M. Eugène Dutuit. Il avait compris que la gravure est le plus intime de tous les arts, et aussi celui dont la jouissance est la plus accessible à tout le monde, d'où provient sa haute portée sociale; et il eut encore à constater que c'était alors le moins étudié dans son passé, malgré d'importants jalons qui avaient été plantés sur ce terrain. Aussi formait-il sa collection d'estampes moins pour satisfaire à ses goûts personnels, que dans un but d'utilité générale, comme il l'a prouvé plus tard.
la première date qui se trouve sur une estampe de Rembrandt est 1628, et la dernière 1661. Rien d'indique cependant qu'il n'a pas gravé avant ou après ces deux époques.
Dans le travail que nous présentons au public, nous nous sommes fait un devoir de marcher à la suite de Bartsch et de ses autres collaborateurs. Notre Manuel n'a donc pas la prétention d'être un ouvrage absolument nouveau; nous serons encore très heureux si l'on veut y voir un supplément utile aux travaux de nos remarquables devanciers. Il en résulte que nous nous sommes imposé la loi de respecter l'ordre et les numéros qu'ils ont établis.
A partir du dix-septième siècle cet art tomba en désuétude. Il y a cependant des personnes qui croient à sa continuité non interrompue jusqu'à nos jours; mais, le marquis de Malaspina, qui était bien au courant des choses de l'art de son pays, affirme, dans son catalogue de 1824, que « l'art de nieller était depuis longtemps abandonné et perdu en Italie».