Lectures par Eugenio de Signoribus et Martin Rueff, le 6 août 2008 dans le cadre du banquet "Le Monde existe-t-il ?"
Panneau picénien
Extrait 5
et l’enfant qui traînait aux alentours
ne comprenait pas le mystère chuinté…
et s’il s’arrêtait sans faire de bruit
il écoutait dans le suspens silencieux
la respiration qui disait le vrai…
(tous les lieux étaient à distance
et nourrissaient la source imaginaire
et enflammaient les paisibles lumières…
aucun lieu n’était élémentaire
mais tous ils étaient aveuglants)
//trad. Jean-Charles Vegliante
Panneau picénien
Extrait 4
les lycéens des dernières classes
en petits groupes laineux se déplaçaient :
sur un banc de sable à sec les tourmenteurs,
sur la place centrale les aspirants
chefs de tous les sujets ignorants…
s’ils avaient eu leur examen à la fac
ils prenaient des airs et des poses
sacerdotaux ou mécréants… pendant
que les gens déférents tenaient boutique
et hissaient d’autres enseignes au néon
et dans les quartiers, serrés contre les portes,
se tenaient assis les vieux tout tordus
à regarder qui déplaçait l’air
devant leurs yeux larmoyants qui lançaient
des allusions accordées à leurs dictons…
//trad. Jean-Charles Vegliante
Panneau picénien
Extrait 3
vue d’en haut la fumée était commune
aux toits, montant des cheminées
quand les collines étaient des icebergs
et qu’un gros nuage bas stationnait
pour l’œil devenu boule d’un devin
les enfants en fantômes sous les draps
s’accroupissaient ou bien se dépouillaient
dans les balançoires fébriles… en échange
d’obéissance ils obtenaient en prime
l’ami gentil pour la convalescence
les pères fumeurs dans les ciels de cendre
voltigeaient ou passagers dans leur maison
aux repas et aux siestes… ou en ennui
tiraient en long les cartes, solitaires
qui n’offraient nulle réponse salutaire…
//trad. Jean-Charles Vegliante
Panneau picénien
Extrait 1
La maison de ta naissance avec le temps
s’est réduite à la coquille d’une noix
et à une voix perdue dans le moisi
des murs et aux yeux saisis dans la mêlée
des menues lueurs aux fenêtres brisées
outrepasser ne se peut l’invisible
barrière de l’esprit quand se termine
la tolérance de soi qu’un désamour
sur les confins adriatiques se visse
ou au regret s’attire comme à aimant
en de rares points la lumière du soir
sent encore les mûres et encadre
des visions toujours pas cachetées
ou par feint décorum illuminées
outre la nudité de l’air marin…
//trad. Jean-Charles Vegliante
Panneau picénien
Extrait 2
lorsque en hiver la tempête déchaîne
rend sonore la mer contre les môles
resuçant toute chose sans effort…
aux sons esseulés du discours aqueux
même la vue présente se désencadre
tu vois alors en piétinant les vertes
vomissures de la mer comme était d’abord
la nature du lieu : blancs ouverts les bras
et à l’écoute et en soi recueilli
le corps félin de l’être maternel
et au delà de sa sûre trace
les roseaux drus faisant coupe-vent
entre la scène domestique et fériale
et l’autre, da galets et tamaris,
de brunes eaux, tremblement fatal…
//trad. Jean-Charles Vegliante