Citations de Eva Leigh (30)
Sa dignité tranquille, si éloignée de la frivolité artificielle des débutantes en quête de mari, l’avait séduit. Alors que les autres femmes le regardaient comme un riche propriétaire, impressionnées par son titre et le prestige de sa lignée, elle l’avait considéré comme un homme, pas seulement comme un duc. Il avait lu le malheur dans son regard, l’expérience dans son sourire. Et, il ne pouvait le nier, la sensualité qui se dégageait de chacun de ses mouvements avait alimenté en lui un feu dont il ignorait jusque-là l’existence. La toucher, goûter à ses baisers, sentir son corps contre le sien lui avait soudain paru indispensable.
Elle était là, inoubliable, d’une beauté dévastatrice, mince et élancée, sa chevelure blond pâle encadrant un visage au charme bouleversant. Vêtue d’une robe de satin couleur bronze, les cheveux retenus par des barrettes en ambre, elle se tenait debout à côté de lord Coleman, la main sur son épaule, et souriait au vieil homme d’un air conquérant.
L’ennui faisait des ravages chez les aristocrates, surtout depuis que Bonaparte avait été exilé à Sainte-Hélène, et engendrait un besoin de sensations, d’émotions. Alex était trop occupé par ses responsabilités pour l’avoir éprouvé un jour, mais ce n’était pas le cas de plusieurs de ses connaissances.
Sa maison immense et vide lui rappelait chaque jour un peu plus l’échec de ses projets de mariage – il avait espéré que la présence d’une femme et d’enfants mettrait de la vie dans sa triste demeure. C’était dans ces moments-là, dans le silence, l’introspection, que la Reine Perdue revenait hanter ses pensées. Elle l’assaillait telle une mousson tropicale, menaçant de l’engloutir s’il restait immobile.
Se racornir en bougonnant seul à la maison, c’est bon pour les vieilles filles.
Lady Emmeline aurait été une bonne mère, aurait élevé leurs enfants comme il le fallait. Elle ne l’aurait pas aimé, mais l’amour n’était pas une condition nécessaire dans un mariage. Ils se seraient respectés, et cela aurait suffi. Cette pensée lui fit l’effet d’un vide glacial, et il se hâta de la repousser. Il avait vécu sans amour jusque-là, il pouvait continuer.
L’amour existait vraiment, oui. Simplement, pour les enfants du duc de Greyland, c’était une denrée rare.
Lady Emmeline était parfaitement au fait des responsabilités qui incombaient à une femme d’aristocrate, ayant été élevée dans cette optique. Il aurait aimé qu’elle exprime son opinion plutôt que d’être toujours d’accord avec lui, mais ce n’était pas là le pire défaut que l’on pouvait trouver à une épouse potentielle.
« Aie toujours une tenue impeccable, ne cessait de lui répéter son père. Le moindre pli, la moindre anomalie dans ta tenue peut provoquer de formidables spéculations quant à l’état de tes affaires, ce que nous ne pouvons tolérer. La nation n’exige rien de moins que la perfection. »
Il n’était guère d’humeur à être poli, mais il devait tenir son rang, aussi, plutôt que de leur aboyer à la figure : « Allez au diable, tous autant que vous êtes ! », répondit-il d’un simple hochement de tête. Le respect de l’étiquette passait avant tout – et ce depuis toujours.