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Citation de SZRAMOWO


À Dunkelblum, fleur obscure qui porte bien son nom, les murs ont des oreilles, les fleurs dans les jardins ont des yeux, elles tournent leurs petites têtes de tous côtés pour que rien ne leur échappe, et l’herbe, de ses vibrisses, enregistre le moindre pas. Quant aux humains, ils ont toujours du flair. Dans le village, les rideaux bougent, comme poussés par une légère brise, inspirer, expirer, c’est vital. Chaque fois que Dieu plonge son regard dans ces maisons de poupée, comme si elles n’avaient pas de toit, qu’il regarde à l’intérieur, contemple cette bourgade miniature édifiée avec l’aide du diable pour mettre en garde tous ses habitants, il voit presque partout des personnes postées aux fenêtres, derrière les rideaux, épiant ce qui se passe au-dehors. Parfois, souvent, ils sont deux ou même trois, répartis dans différentes pièces et se cachant les uns des autres. On souhaiterait à Dieu que son regard ne pénètre que dans les maisons, pas dans les cœurs.

À Dunkelblum, les habitants savent tout les uns des autres, et les quelques broutilles qu’ils ignorent ou ne peuvent inventer ni simplement laisser tomber, elles ne sont pas indifférentes, mais bien au contraire essentielles : ce qui n’est pas connu de tous est déterminant comme une malédiction. Les autres, ceux qui viennent d’ailleurs ou se sont installés ici après leur mariage, ne savent pas grand-chose. Ils savent que le château a brûlé, que les descendants du comte vivent maintenant dispersés dans plusieurs pays éloignés, mais que, suivant la coutume, ils reviennent célébrer leurs noces et leurs baptêmes, occasions de grandes fêtes pour toute la région. Les enfants cueillent des fleurs dans les jardins des paysans et tressent des guirlandes, les vieilles exhument leurs costumes régionaux centenaires, et tous se postent au long de la Herrengasse, la rue des Seigneurs, tous agitent les mains. Les fiancées étrangères notent avec un petit rire pointu qu’ici, alors que la République a depuis longtemps pris le pouvoir, on peut encore, au moins à chaque fête carillonnée, se fier à ses sujets.
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