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Citation de Partemps


Des mythes, Joyce a donc retenu cet enseignement : on n'échappe à l'horreur de la mort
individuelle qu'en s'inscrivant dans un vaste corps où les identités s'estompent. A l'inverse des
géniteurs humains qui engendrent des êtres promis à la mort, l'artiste crée une oeuvre échappant à
l'universelle destruction; s'incluant dans un processus de création où lui-même se dissout comme
sujet séparé, il s'impersonnalise. C'était déjà en partie la leçon du Portrait de l'artiste mais Ulysse
va plus loin. L'impersonnalisation du créateur s'inscrit dans un processus de répétition infini qui
s'exerce dans un triple registre : répétition du réel transcrit et catalogué (c'est l'aspect
apparemment méticuleusement réaliste du livre), répétition des textes des autres sous forme de
fragments empruntés, de citations plus ou moins clairement affichées, répétition enfin de ses
propres textes dans un processus de rumination infini. On touche là une caractéristique essentielle
de l'écriture joycienne : elle est indissociable de la lecture qui s'exerce à l'intérieur d'elle-même.
Si l'écrivain crée c'est parce qu'il répète, s'il répète c'est que son écriture s'exerce à l'intérieur d'un
procès interminable de lectures. Tout lecteur d'Ulysse est pris à son tour dans ce processus infini
d'écriture-lecture; co-auteur de l’œuvre qu'il lit, engagé dans une série sans fin de lectures
répétitives, il participe de ce processus de création transindividuelle. Le progressif effacement des
limites subjectives qui, dans Ulysse, affecte la conception ordinaire des personnages comme
individus séparés, touche de la même façon la frontière entre l'auteur et le lecteur. Comme le
formule magistralement Bloom, "savez jamais de qui les pensées vous êtes en train de mastiquer"
(U,167).
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