A la place des colifichets votifs, elle portait comme un tatouage à son cou la photo d'identité de cette promesse manquée. De son amour déchu. Elle avait connu un double avortement. La mort d'un enfant et la mort d'un amant. Confondus. L'enfant n'avait pas résisté, il était parti en couche sans espoir de vivre le jour. L'amant avait disparu avant que l'amour ne soit déclaré aux autres.
Il y avait des distances qu'on avait creusées sans s'en rendre compte, des distances que jamais plus on ne comblerait. Que jamais plus on ne pourrait parcourir sans ce sentiment anxieux et coupable, sans l’âcreté d'une arrière-pensée. On parlait de ça, jamais tranquillisé. On voyait souvent la même image. Celle d'un lion en majesté qu'on dompte sous des éclairages de fête. Sous des roulements des tambours battant au rythme excité d'une foule. Et peu à peu, cette image dérivait vers celle du serpent qui, dans la solitude et l'abandon, se mort la queue.
Aimer Marie c'était aussi comprendre que les racines et les ramifications devraient être multipliées. Que n'importe quand, une terre pouvait nous rejeter. Il fallait donc sans plus attendre faire brûler la métaphore de l'arbre généalogique. La famille, comme les amitiés, devrait ressembler à l'herbe qui peut pousser sauvagement n'importe où depuis son centre, à l'inverse de l'arbre qui s'élève des racines aux nouveaux bourgeons, énonçant déjà une hiérarchie.