AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de mimo26


Il y a plus, dans ces offensives, que le désir de te dévaloriser.
Tu sais que si ta mère se penche sur tes centres d’intérêt, c’est uniquement pour s’assurer que tu ne lises pas de livres ou ne visionnes pas de films montrant des femmes qui s’aiment ou qui entretiennent des rapports ambigus. Elle le fait depuis le jour où elle a trouvé sous ton matelas un livre que tu avais acheté en cachette.
Tu avais quinze ans quand tu as entendu la documentaliste et un professeur parler de ce roman. D’après ce que tu avais compris, il racontait l’histoire de deux filles qui se rencontraient sur l’un des terrils que l’on peut voir depuis chez toi comme d’à peu près n’importe quel point de l’agglomération. Tu as trouvé la coïncidence incroyable et tu la trouverais plus incroyable encore si tu savais que je l’ai écrit – oui, moi : cette femme bizarre à qui tu as souri deux fois, l’été dernier. Après avoir surpris la conversation de la documentaliste avec un professeur, tu es allée à la librairie de Lens. Mon roman n’y était pas et, pour la première fois
de ta vie, tu as commandé un livre et donné ton numéro de téléphone pour qu’on t’envoie un SMS quand il serait arrivé. C’était à la fois effrayant et grisant, un avant-goût de la liberté que l’on doit éprouver quand on ne rend de compte à personne.
Tu n’étais même pas arrivée à la page du premier baiser quand le livre démembré a précédé dans le bac de recyclable ma lettre et ma photo de toi parues dans le journal.
– Voilà que tu as des lectures orientées, maintenant, a dit ta mère.
Tu t’es demandé depuis combien de temps elle soulevait ton matelas pour voir si tu cachais des choses en dessous. Tu as compris que tu étais en prison, une belle prison confortable dont tu avais les clefs, dont tu pouvais sortir à ton gré, mais où tu devais observer certaines règles et où ta cellule
était fouillée en quête d’objets interdits. Tu n’as pas répondu.
Tu étais pétrifiée, transpercée par l’humiliation et la terreur.
Tu n’aurais pas su dire de quoi tu avais peur exactement. Une gifle t’aurait semblé anodine auprès de la violence qui était faite à ton intimité : ce n’était pas ça. Ce n’était pas non plus la peur de te retrouver à la rue, reniée par tes parents, tu ne pensais pas que c’était à ce point. C’était plus subtil. Tu te
sentais sale. Coupable et sale.
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}