Fanny N. Hardin

Je me sens toute excitée, et je n’arrive pas encore à croire que je suis réellement en Corée du Sud. Seule ! C’est une énorme victoire pour moi.  Le vol, bien que long a été très agréable, j’ai hérité de quelques regards à droite et à gauche, mais il s’agissait plus de curiosité qu’autre chose. Les formalités à l’arrivée sont expédiées bien plus vite que je ne l’aurais cru, l’officier de la douane s’étant juste contenté de me demander si j’avais quelque article à déclarer. Je n’ai pas senti à un seul instant la barrière de la langue… pour le moment.
Je me doute bien que le problème finira par se poser, j’ai rarement eu l’occasion de parler coréen, et cela alors même que je comprends la langue. C’est d’ailleurs ce dernier point qui a motivé le choix de ma destination.

Je le dévisage discrètement, il a un profil altier et une présence indéniable. Je ne peux qu’admirer la beauté virile de ses traits. Ce mec est …intense. Oui c’est ça, intense. Et il dégage parallèlement cette force tranquille qui m’impressionne et m’attire inexorablement vers son monde.

Tu es une grande fille. Tu es une femme magnifique qui plus est. Il t’est arrivé la pire chose qui puisse arriver à une femme, et tu t’es reconstruite, tu t’es relevée, tu as repris ta vie en main, et tu es devenue cette personne géniale, forte et fragile à la fois. Tu as survécu, et ça, personne, je dis bien, personne ne pourra te l’enlever. Tu t’es battue pour en arriver là. Laisse-le te découvrir si tant est qu’il te plait et que c’est ce dont tu as secrètement envie. Tu as le droit autant que n’importe qui, voire plus que quiconque de vivre ces émois. Et si ce mec se révèle être une perle tant mieux, s’il se révèle être un salaud, tant pis.

J’adore cet emplacement, d’où tranquillement assise, je regarde atterrir et décoller les avions. C’est toujours aussi fascinant à mes yeux. Voir ces formidables appareils de dizaines, voire de centaines de tonnes prendre leur envol vers une nouvelle destination, ou au contraire toucher la piste d’atterrissage. Je sens mes yeux s’embuer, les dix dernières années de ma vie ont été protégées, j’ai vécu dans un cocon hors duquel je ne voulais pas m’aventurer. Mais le monde a tant à nous montrer, à me montrer. Mes parents ont accueilli avec un scepticisme certain mon annonce de voyage et surtout ma destination.

Je n’ai jamais eu de mal avec le silence, il me permet de me recentrer. Certaines personnes ressentent le besoin de combler tous les vides, mais parfois, c’est dans ce vide que nous trouvons notre place, notre équilibre.

Je ne résiste pas, je ne joue plus la fière ou la femme forte. À cet instant précis, je ne suis qu’une femme. Une femme qui se tient debout, dans toute sa vulnérabilité face à un homme magnifique qui lui plait. Intensément. Follement. Désespérément. Une femme qui craint de ne pas être assez bien. Une femme peu sûre d’elle dans cette situation nouvelle. Une femme vulnérable. J’abdique. Je détourne le regard, craignant qu’il ne décèle cette vulnérabilité, cette peur, cette fragilité que je porte en moi depuis des années et que je dissimule à la vue de tous.

Vivre. Je dois vivre. Le monde a encore tant à m’offrir.
La douleur dans mon bras gauche me coupe le souffle. Mon cœur bat à mille à l’heure. J’ai l’impression que des griffes me labourent littéralement de l’intérieur, c’est lancinant et ininterrompu. J’ai si mal… j’ai peur : je vais mourir, c’est certain. Cela ne peut pas m’arriver… Si ? C’est un scénario de film, ou bien l’un de ces entrefilets tristes à la fin des journaux, dans lesquels on annonce les nouvelles tragiques. Mais je ne peux pas finir ainsi, est-ce là ce que le Ciel me réserve ?

Au début, c’est euphorisant de savoir que toutes ces années de travail ont payé et que les gens, les fans reconnaissent enfin notre valeur. C’est aussi cool de recevoir des cadeaux tout le temps, des fans, des marques. Ça me fait toujours plaisir de signer des autographes ou de poser pour des photos avec eux quand je le peux. Je me le suis assigné comme devoir car on en est là grâce à eux. Tout le talent du monde ne t’aide pas si le feeling avec eux n’est pas présent. Et sinon, c’est encore plus cool d’être en mesure de gâter ses parents et ses proches.

Cet homme fait fureur auprès de la gente féminine et je peux le comprendre. Je lance une recherche à nouveau sur le moteur de recherche people coréen, et bien évidemment, Jae-shin est en tête des recherches et des gros titres. Plusieurs articles sur son retour dans l’industrie apparaissent au fur et à mesure, alors même que la conférence de presse suit toujours son cours. Je suis soulagée car plusieurs articles mettent l’accent sur le fait qu’il est bel et bien célibataire et que les suppositions de la veille étaient fausses.

Mais j’ai aussi une vie. J’ai laissé le pays qui m’a vue grandir, pour une destination inconnue, pour faire le vide, voir autre chose…me retrouver. Et voilà que dès ma première semaine, je me retrouve embarquée dans ce truc rocambolesque. Je n’aime pas l’attention, je n’aime pas, je ne veux pas, j’ai horreur d’être le centre de l’attention. Je n’ai ni le temps, ni l’énergie de me consacrer à autre chose qu’à moi-même. Donc le plus vite, cette histoire sera dernière moi, le mieux je me porterai.