Je devais appeler ma patronne Nathalie. Elle trouvait très sympa d'employer une femme « du tiers-monde ». Des années que je n'avais pas entendu cette expression. Les premiers jours, elle a voulu me montrer qu'elle me traitait comme son égale. Elle partait travailler en laissant la porte de son placard ouverte pour me montrer sa confiance. Mais elle avait beau être « ouverte à d'autres cultures », le jour où elle m'a entendue chanter une berceuse en créole à son bébé, elle m'a dit : « C'est joli, votre petit refrain, Mélina, mais vous savez, il faut qu'elle n'entende que sa langue maternelle pour bien la parler ensuite, sinon elle n'aura plus de repère. Je suis sûre que vous connaissez de jolies chansons françaises… »