A mon retour de Pologne, après Cracovie et la visite d’Auschwitz et Birkenau, j’ai pris ce livre qui attendait lecture. Visualiser les lieux d’internement, de souffrance, d’exécution et d’extermination prend sens en y adjoignant le récit d’un acteur involontaire de « la solution finale de la question juive » décidée à Wansee le 20 janvier 1942 par Heidrich et Eichmann sur les ordres de Hitler, Göring et Himler.
De 1942 à 1945, Filip Müller (juif Slovaque) sera « ouvrier » dans le groupe des sonderkommandos des 2 camps. Rescapé, miraculé ? Quel terme utiliser pour désigner sa situation d’épargné ? Car comment survivre à l’innommable, à l’inhumain absolu : réduire en cendre des humains assassinés, parfois ses propres amis ?
Il décrit le quotidien des déportés, les évasions ratées et le supplice subi par les hommes repris avant d’être pendus ou fusillés ; le gazage des familles tchèques arrivées du ghetto de Theresienstadt, parquées et protégées durant 6 mois à Birkenau ; l’évasion de ses amis Alfred Wetzel et Walter Rosenberg (Rudolf Vrba) à qui il avait remis plusieurs documents attestant la réalité des lieux, ceci afin de prouver et dénoncer l’horrible vérité aux forces de résistance alliées et à leur gouvernement. Rudolf Vrba a lui aussi témoigné de son internement à Auschwitz et de son évasion dans son livre : je me suis évadé d’Auschwitz. Malgré leur témoignage, de 400 à 500 000 hongrois seront déportés et gazés. Il décrit la résistance interne menée par plusieurs hommes, dont Wladek, Jacques Handelsman, Warszawski, Kaminski, Alberto Errera… (tous assassinés), qui préparent une révolte des sonderkomandos. Celle-ci aura lieu le 7 octobre 1944. Grâce à la complicité de 4 femmes déportées (elles seront arrêtés, torturées, pendues), qui travaillaient dans l’usine d’armement voisine, de la poudre explosive fut introduite et des armes fabriquées. Les crématoires III et IV du camp seront détruits. Mais l’armée rouge avance… L’évacuation du camp se fait le 18 janvier 1945. Filip Muller fait partie des 20 000 détenus poussés sur les routes de la marche de la mort et dans les wagons couverts ou non, qui le conduiront à Mauthausen, puis Gusen où il sera libéré.
De 1945 à 1953, il est suivi médicalement. Il participe et témoigne au procès de Francfort (1963 à 1965) dont l’initiateur de ces procès dits « d'Auschwitz » fut le procureur Fritz Bauer.
Alberto Errera était un officier juif grec et un des chefs de groupe de la résistance du Sonderkommando. C’est lui qui aurait fait des photos des scènes de crémations dans les fosses à Birkenau. L’appareil photo a été enterré près des crématoires et fut découvert plus tard. Un excellent film documentaire (2021) de Cristophe Cognet en fait état : A pas aveugles. Errera sera torturé et tué après une tentative d’évasion le 09 aout 1944.
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