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Citation de Cielvariable


Une nuit de septembre 2011 à Paris, il reçoit un appel de la firme. À l'époque Céline, son épouse, ne l'a pas encore quitté. Elle supporte sa mauvaise humeur, ses réponses laconiques, se satisfait de ne rien comprendre à son travail. Le CEO 1 Monde le convoque à New York pour une affaire urgente.

Il prend le vol du matin, n'emportant rien. La firme met costume et nécessaire de toilette à sa disposition. Elle connaît son poids, sa marque de dentifrice, son taux de cholestérol.

À la faveur du décalage horaire, il atterrit en fin de matinée. Une des voitures de la banque, une Mercedes Benz S550 noire aux vitres teintées, l'attend à l'aéroport JFK. Elle tente d'entrer dans Manhattan par le Brooklyn Bridge. Les voitures sont scotchées à l'asphalte, celle de Sébastien immobilisée au milieu du pont. La climatisation crache un air froid parfumé au bubble-gum. Sur la banquette de cuir anthracite, Sébastien se change en glaçon.

- UN Week, sir, explique le chauffeur portoricain.

C'est la semaine de l'assemblée générale de l'ONU, pas son jour de chance. Avec cent quatre-vingt-treize chefs d'État en ville, Manhattan est sur les dents. La chambre de Sébastien au Waldorf Astoria, au cas où la réunion le contraindrait à rester pour la nuit, n'a pu être réservée. Mahmoud Ahmadinejad monopolise tout un étage. La circulation est coupée sur la 6e Avenue afin que son Hummer aux vitres fumées et sa chasse gardée se déplacent sans accroc. Pendant quelques jours, le FBI et le NYPD assurent la sécurité de l'homme qui empêche Obama de dormir.

Sébastien sent son ventre se tordre. UN Week ou pas, le boss de Folman Pachs n'attend jamais. Il se glisse à l'extérieur de la limousine coincée au milieu du Brooklyn Bridge. Couleurs d'automne, soleil implacable, c'est l'été indien. Il prend une grande inspiration. Saturé de particules métalliques, l'air de New York enflamme ses poumons. La Grosse Pomme pue le poisson pourri et le soufre. Sébastien part sans un mot pour le chauffeur. Avançant vers Manhattan, cerné de carlingues et de klaxons en furie, il songe un instant à tout plaquer, à se fondre dans la foule qu'il aperçoit, à la sortie du pont.

Arrivé sur l'île par Wall Street, il n'a qu'à traverser d'est en ouest pour atteindre le siège mondial de la firme. C'est l'heure de la pause déjeuner. Au coin de la rue, des ouvriers du chantier du World Trade Center mangent des chips. Des filles en tailleur et baskets courent à leur club de gym pour l'heure de sport réglementaire. Des livreurs virevoltent, plateaux-repas en main, pour nourrir l'armée de travailleurs enchaînés à leur bureau. Les vendeurs de rue débitent hot-dogs et kébabs à la chaîne. Sur sa guérite, l'un d'eux juge utile de préciser :
«Ici, poulet véritable.»
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