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Citation de Lilavie


Les groupes commençaient à se disperser quand une femme cria :
- Je veux mon enfant ! Je veux mon enfant !
Ils se figèrent, paralysés. L'énergie douloureuse de la femme sondait leur mémoire. Beaucoup, encore amnésiques, ne percevaient que des bribes de leur passé qu'ils subissaient sans établir de rapport avec eux-mêmes. Seule la conscience d'une minorité pouvait le raviver, les aider à faire le lien avec la réalité.
Jusqu'à cet instant, rivés à leur peur, ils étaient restés étrangers à d'autres états d'âme. Plongés dans une autre dimension, il y avait eu interruption dans la continuité. Les visages autrefois familiers leur paraissaient irréels, enfouis dans l'ombre. Il leur semblait que quelqu'un, quelque chose leur manquait, mais ils ne savaient pas qui, il ne savait pas quoi.
Les ondes de la femme, qui ne cessait de répéter ''Je veux mon enfant !'', ''Je veux mon enfant !'' les sortirent de leur torpeur. La mémoire des leurs jaillit comme une cascade d'eau vive.
Suzan ne pût retenir un sanglot. Jimmy s'effondra, le choc trop brutal, venait de lui asséner un coup fatal. Comment avait-il pu oublier sa fille qui était tout pour lui ? Sans elle, qui était sa raison de vivre, comment trouverait-il un but, un idéal dans son futur sans chemin ? Ses larmes, trop longtemps refoulées, coulèrent avec l'intensité de sa souffrance. Replié sur son moi douloureux, il n'entendait plus la femme qui ne cessait de hurler ''Je veux mon enfant ! ''Je veux mon enfant !''
Le philosophe s'approcha d'elle.
- Pourquoi veux-tu ton enfant ?
- Je veux mon enfant ! Je veux mon enfant ! criait-elle inlassablement.
- Quel avenir peux-tu désormais lui offrir ? Quel confort ? Quelle éducation ?
- Je veux mon enfant ! Je veux mon enfant !
Tous écoutaient, captifs d'une intense émotion.
- Quelles réponses donneras-tu à ses questions ? Quelles histoires lui raconteras-tu ? Que lui montreras-tu ? Quels espoirs lui donneras-tu ? Que lui enseigneras-tu ?
- Je veux mon enfant ! Je veux mon enfant !
Le philosophe hésita un moment, à court d'arguments.
- Penses-tu que ton enfant serait heureux sur cette terre aride ? Penses-tu qu'il soit juste qu'il souffre d'un tel isolement ?
- Je veux mon enfant ! Je veux mon enfant ! ne se lassait-elle pas de répéter.
On n'entendait plus que le hoquet des femmes qui pleuraient.
- Pourquoi veux-tu ton enfant ? Demanda le philosophe d'un ton plus dur. Pour combler ta solitude, consoler ton coeur aigri ou donner un sens à ta vie ?
- Je veux un enfant ! Je veux un enfant !
- Ça suffit ! dit Deschamps, ne voyez-vous pas comme ces femmes souffrent.
Ceux que la mémoire avait heurtés, fixaient le néant d'un regard éperdu. Ils auraient donné leur vie pour étreindre encore une fois leur femme, leur mari, pour entendre une dernière fois la voix innocente, le rire insouciant de leurs enfants.
- C'est vrai, dit le philosophe en s'éloignant, j'avais oublié que la vérité fait mal.
Le philosophe s'éloigna. Les voix, les couleurs, les images de joie et d'amour qui s'étaient élevées des abysses de leur mémoire s'évanouirent vers l'éternité, les livrant à la mélancolie. Il n'y avait plus de port où jeter l'ancre, livrés au manque, à l'absence, à la solitude, ils souffraient leur conscience et regrettait l'oubli. Leur coeur était un grand vide et puisqu'il n'y avait plus personne pour les aimer, ils voulaient mourir.
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