parler de soi
c’est si facile
nous sommes des constellations
de peu dit
des myriades d’étincelles
aussi brèves
que brûlantes
vastes comme un peuple
un océan
un univers
et quel que soit le voyage entrepris
nous ne tournons
qu’autour de ce même petit
moi pâle
et troublant
je vous écris
d’entre les lèvres d’une blessure
Voici l’horizon entaillé
par tant de certitudes
la mer fendue en son milieu
par tant de rectitude
et moi
entre deux eaux
entre deux sels
semée sur des terres vieillies de doutes
moi
heureuse quand la brume
cueille sur ma bouche
le tremblement
fragile
de l’insolence.
elle se rappela qu’elle aimait l’automne
elle se rappela qu’elle aimait l’automne. ses prémices tout du moins, car certains n’y voyaient que les derniers jours d’été. elle lui vouait depuis l’enfance un amour intime, pour son savoir finir avec raffinement. l’automne remuait le temps, mais avec componction, une douceur à peine tourmentée par la violence de ses rouges. l’automne assouvissait l’espérance sans retenue, sans fierté, sans promesse. incarnant la seule qui vaille : l’espérance accomplie. l’automne remettait les pendules à l’heure, les marches au pas, les plaisirs au menu. ses moments étaient intemporels mais pourtant fugaces. l’impermanence comme creuset d’éternité. une sorte de Royaume. avec ses fastes d’enluminures et de couleurs, ses bouquets finaux, ses chemins lumineux d’aumônes pluvieuses puis de soirs tragédiens. les sonorités étaient plus lasses, certes, plus paisibles aussi. chaque granule d’air avait une consistance, un goût, une durée. l’automne s’étalait à perte de vue, palpable, réconfortant, n’ignorant ni les dangers, ni les refuges. lucide et souriant. elle évoqua un air de viole de gambe, ressentit les mouvements lointains des oiseaux de passage, la subtile dorure des fossés, durant ses trajets à fleur de bitume, emportée d’un coin à l’autre de toutes ses vies. elle se rappela de savourer. renverser la tête, la nuque offerte à la grâce du jour.
15 septembre 2019
ma poésie…
Extrait 7
cette petite chose
modelée de cendres et
de désirs
ce reste
coincé en travers de
ma voix
qui troue mon chant
et mes ailes
brusquant la chute
en plein vol
ce n’est qu’une lancinance
une maladie
ma poésie
à ce point du soir
c'est là, vois-tu que
le verbe devrait se saisir
des corps épars
des âmes concassées
les étreindre au plus vide
de leur manque
bercer leur moelle
et écrire tendrement
à même leurs veines
le mythe jamais écrit
de la consolation
Cette petite chose
modelée de cendres et
de désirs
ce reste
coincé en travers de
ma voix
qui troue mon chant
et mes ailes
brusquant la chute
en plein vol
ce n'est qu'une lancinance
une maladie
ma poésie
annonce-moi, d’un rêve
d’un cil enluminé d’ailes
au palier d’une nuit sans prières
annonce-moi l’issue,
le simple geste de l’invite
à la danse
la clé, les champs,
cette orée, l’entre-deux à jamais
et cette cadence douloureuse
qui ponctue les heures
recouvertes par l’ivraie
Extrait du recueil inédit « Survenir soif ».
Je ne sais rien…
je ne sais rien
la dorure des livres, peut-être
sur leur tranche qui aiguise mes doigts
– fioriture –
je ne sais rien
que l’or sur les lèvres d’icône
au matin froid d’une pierre romane
superbe dans sa courbure de vieille femme
et moi priant la bouche tout contre les moellons
moi mon épiderme hurlant dans les nervures du granit
je ne sais rien
enfant avant la lettre, bambin tiré à quatre étoiles
je ne sais que ton nom, peut-être
et la lumière avalée par le dallage
à l’arrière de mes pas
je ne sais plus – ai-je su – la litanie de tes amis
ton histoire tressée de signes
et tous tes gouffres où le cœur
tombe en torche
éclairant – enfin –
les angles morts de nos visages
je ne sais que mes jours et l’incertain
le désir minuté
la voie sourde des fleurs
encore sous la terre
je suis une vasque qui ignore son vin
une écorce de pain avide de la dent
qui le rompra encore
je suis lèvre scellée d’un baiser à venir
lourde d’enfants abstraits des caresses de leur mère
levain resté en rade à l’aune du pétrin
Extrait de « Survenir soif », inédit.
dans l'écriture
des choses brèves lui viennent
inaugurant des ponts
tendus entre embrasements
et néants
ces passerelles
continuent à se balancer
à l'aplomb des gouffres
où mystères et indicible
se disputent
les dents des morts
Marée basse
extrait 3
d’un enfant vous me feriez
renaître
reine petite
pour des palais faits d’air
dans ce ventre de cendres
où poussent les rêves solides
jamais ne retisserai
la toile de l’innocence
ce qui est fait est fait
et défait disparu
…