Par définition, si une femme en situation de prostitution est médiatisée, c’est parce que sa version de ce qu’est la prostitution valide l’image ripolinée qu’en propagent les promoteur·trices du système ; et que ce type de discours bénéficie d’une diffusion massive alors que le discours abolitionniste est médiatiquement invisible met en évidence le poids financier de l’industrie du sexe sur les médias et dans la culture. Par rapport à ce discours asservi, voire acheté (annonces prostitutionnelles, téléphone rose, etc.), la parole des survivantes est libre, et c’est cette parole libre qui s’exprime dans ce livre
l’image de la femme prostituée seule responsable de ce qui lui arrive cache aussi le fait que son « choix » de la prostitution est effectué dans un contexte d’inégalités structurelles, de rapports de pouvoir et de contraintes économiques (enfants à nourrir en l’absence d’aide financière du père, toxicomanie, dettes, viols et incestes antérieurs, chômage, divorce, perte de logement, etc.)
entre ce point de vue traditionnel de la prostituée responsable et l’argument moderne qui présente la prostitution comme choisie par la personne prostituée : les deux se rejoignent dans la même démarche de déresponsabilisation, la fonction de ces deux discours mystificateurs étant d’occulter le fait que c’est la demande masculine qui donne une impulsion au système prostitutionnel
Par la prostitution et le mariage, le patriarcat leur garantit un « droit au sexe » auquel les femmes sont astreintes, et la criminalisation de l’achat de sexe, de pair avec la criminalisation du viol dit conjugal, porte atteinte à ce droit : la défense de la prostitution est un enjeu patriarcal fondamental
la demande des prostitueurs pour du « sexe » avec des enfants n’est pas marginale, mais relève au contraire d’une norme patriarcale et que ces prostitueurs ne sont pas des asociaux ni des psychotiques ou des monstres, mais statistiquement des messieurs Tout-le-Monde que l’on croise tous les jours
aucun homme n’est jamais mort de ne pas avoir de rapports sexuels quand il le désirait
L’industrie du sexe connaît une expansion d’autant plus tentaculaire que les profits qu’elle génère échappent en partie à la taxation et sont blanchis à l’échelle mondiale par l’intermédiaire de filières ad hoc
des années après leur sortie de la prostitution, ces survivantes en gardent des séquelles physiques et psychologiques dont certaines les poursuivront toute leur vie
Une démocratie ne peut pas d’une part proclamer l’inaliénabilité/non patrimonialité du corps humain et déclarer qu’il est « res extra commercum » (ne pouvant faire l’objet de commerce) et poser d’autre part que le corps des femmes et des enfants peut être légalement acheté, loué et vendu sans se renier elle-même