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EAN : 9782924924211
320 pages
M-EDITEUR (15/08/2020)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Les voix qu’on ne veut pas entendre. Témoignages

Pendant des siècles, la prostitution n’a existé dans le débat collectif que comme objet de mythes et de fantasmes. Dans le brouhaha d’opinions, d’articles, d’études, de romans et de tableaux évoquant ou étudiant la figure à la fois fascinante et repoussante de la prostituée, il y a un point de vue dont l’absence est aveuglante, c’est celui des premières concernées, les femmes prostituées elles-mêmes.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Et si nous parlions du choix des clients pour la prostitution et de ceux qui en tirent profit

Dans son introduction, Francine Sporenda aborde, entre autres, les débats sur la prostitution, le vote des lois « criminalisant l'achat de sexe dans plusieurs pays vers les années 2000 », le point de vue des survivantes de la prostitution, « en tant que catégorie de femmes victimes d'un ancien système d'exploitation patriarcale qui résiste obstinément aux prétentions égalitaires de nos sociétés modernes et aux dénonciations des vagues féministes », les clichés et stéréotypes inlassablement répétés sur le soi-disant « plus vieux métier du monde », les discours monopolisés par « les voix masculines », des oeuvres à caractère littéraire ou pictural construisant les soi-disant vérités de ce que serait la prostitution, les études et les réflexions d'autorité d'experts auto-proclamés « dans le but de légitimation et de réglementation », les mythes et les fantasmes…

L'autrice souligne des justifications au XIXème siècle, « démontrer que la prostitution, même si elle doit susciter le dégoût des personnes respectables, est une pratique absolument indispensable au bon ordre des sociétés et à la stabilité de la famille », la construction d'« un mal nécessaire », les dimensions hygiénistes, l'occupation de l'espace discursif par les paroles masculines, « le fait même qu'elles prennent la parole est impensable ; les figures d'autorité qui sont censées détenir un savoir sur la prostitution, dont les prostituées elles-mêmes sont exclues, sont seules habilitées à en parler, c'est une évidence qui va de soi. Ce qu'implique cette prise de parole exclusivement masculine, c'est que ces femmes n'ont même pas de légitimité à parler d'elles-mêmes : de même que les esclaves n'étaient pas consultés pour la rédaction des Codes noirs, les personnes prostituées étant les objets de ces discours masculins et des législations réglementaristes ne sauraient en être sujets – les marchandises ne parlent pas », l'aveuglante absence dans les discours des clients/prostitueurs…

La personne prostituée serait productrice de la prostitution, ce qui enlève « toute responsabilité morale sociale et masculine et présente les hommes comme des innocents dont les pulsions sexuelles « naturelles » étaient exploitées par des séductrices vénales a prévalu pendant des siècles ». Les discours construisent une continuité « entre ce point de vue traditionnel de la prostituée responsable et l'argument moderne qui présente la prostitution comme choisie par la personne prostituée : les deux se rejoignent dans la même démarche de déresponsabilisation, la fonction de ces deux discours mystificateurs étant d'occulter le fait que c'est la demande masculine qui donne une impulsion au système prostitutionnel ». Or, il faut me semble-t-il le répéter, le groupe social le plus important et présent dans les rapports prostitutionnels est bien celui des hommes, des clients/prostitueurs.

A l'occultation des millions d'hommes qui consentent à acheter l'accès au corps des femmes, s'ajoute l'occultation des rapports sociaux, des inégalités structurelles, « l'image de la femme prostituée seule responsable de ce qui lui arrive cache aussi le fait que son « choix » de la prostitution est effectué dans un contexte d'inégalités structurelles, de rapports de pouvoir et de contraintes économiques (enfants à nourrir en l'absence d'aide financière du père, toxicomanie, dettes, viols et incestes antérieurs, chômage, divorce, perte de logement, etc.) »…

Francine Sporenda insiste sur les récits des femmes, l'age moyen de 14 ans d'entrée dans la prostitution dans le pays occidentaux, les argumentaires autour du choix, « ceux qui ont vraiment le choix sont les prostitueurs ». Et si des femmes meurent des rapports prostitutionnels, « aucun homme n'est jamais mort de ne pas avoir de rapports sexuels quand il le désirait ».

L'autrice discute de la soi-disant pulsion incontrôlable ou du prétendu impératif biologique des hommes, « Parler du choix des personnes prostituées et de la pulsion irrésistible des prostitueurs est une inversion projective »…

La prostitution n'est ni naturelle, ni universelle, ni éternelle, comme toute construction sociale, elle relève de l'histoire. La justification de la prostitution se fait toujours par ceux pour qui elle existe, « les prostitueurs et les proxénètes ». Il en de même de tous les rapports de domination et d'exploitation…

Francine Sporenda présente les réfutations aux principaux arguments (des prostitueurs) par des survivantes, non un métier comme un autre mais « une activité intrinsèquement violente et dangereuse », les aspects invisiblisés de cette violence, les milliers de pénétrations non désirées, « des années après leur sortie de la prostitution, ces survivantes en gardent des séquelles physiques et psychologiques dont certaines les poursuivront toute leur vie »…

Les clients prostitueurs veulent que les femmes fassent semblant d'éprouver du plaisir, les appellent « chéri », sans oublier qu'ils préférèrent les jeunes filles voire les très jeunes filles, « la demande des prostitueurs pour du « sexe » avec des enfants n'est pas marginale, mais relève au contraire d'une norme patriarcale et que ces prostitueurs ne sont pas des asociaux ni des psychotiques ou des monstres, mais statistiquement des messieurs Tout-le-Monde que l'on croise tous les jours »…

Loin des clichés fantasmatiques ou des comptines romantiques, la prostitution est d'abord une industrie très lucrative, « un mega business mondialisé boosté par le triomphe de la doxa libérale », les personnes prostituées sont très majoritairement sous le contrôle de proxénètes, le commerce des corps de femmes est pleinement légal dans certains pays, les profits de l'industrie du sexe explosent – j'insiste comme l'autrice sur le mot industrie…

Industrie et liens intrinsèques entre prostitution, gangs et mafias, un sujet peu abordé par les médias et les défenseurs des rapports prostitutionnels. « L'industrie du sexe connaît une expansion d'autant plus tentaculaire que les profits qu'elle génère échappent en partie à la taxation et sont blanchis à l'échelle mondiale par l'intermédiaire de filières ad hoc ». Exploitation, blanchiment d'argent, traite d'êtres humains, corruption… Maintien et renforcement des rapports sociaux réellement existants, reconfiguration industrielle de la domination exercée et de l'appropriation des corps de femmes par le groupe social des hommes, « Par la prostitution et le mariage, le patriarcat leur garantit un « droit au sexe » auquel les femmes sont astreintes, et la criminalisation de l'achat de sexe, de pair avec la criminalisation du viol dit conjugal, porte atteinte à ce droit : la défense de la prostitution est un enjeu patriarcal fondamental ». La prostitution est incompatible avec le respect et la sécurité des êtres humains, « normaliser le fait que les femmes sont des biens de consommation que des hommes (les proxénètes et les prostitueurs sont très majoritairement des hommes) peuvent négocier en toute légalité impacte négativement l'image des femmes en général », la démocratie est incompatible avec la location ou l'achat du corps d'êtres humains, « Une démocratie ne peut pas d'une part proclamer l'inaliénabilité/non patrimonialité du corps humain et déclarer qu'il est « res extra commercum » (ne pouvant faire l'objet de commerce) et poser d'autre part que le corps des femmes et des enfants peut être légalement acheté, loué et vendu sans se renier elle-même »…

Des paroles de survivantes, « Par définition, si une femme en situation de prostitution est médiatisée, c'est parce que sa version de ce qu'est la prostitution valide l'image ripolinée qu'en propagent les promoteur·trices du système ; et que ce type de discours bénéficie d'une diffusion massive alors que le discours abolitionniste est médiatiquement invisible met en évidence le poids financier de l'industrie du sexe sur les médias et dans la culture. Par rapport à ce discours asservi, voire acheté (annonces prostitutionnelles, téléphone rose, etc.), la parole des survivantes est libre, et c'est cette parole libre qui s'exprime dans ce livre », la liberté enfin retrouvé de dire…

Un livre qui donne la parole aux survivantes. Un livre d'entretiens (certain sont disponibles sur le blog). Les textes sont regroupés sur six parties, précédées d'une petite introduction de l'autrice. Je n'en souligne que certains éléments.

lire la note très détaillée sur le blog : "entre les lignes entre les mots" https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/11/18/et-si-nous-parlions-du-choix-des-clients-pour-la-prostitution-et-de-ceux-qui-en-tirent-profit/

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Par définition, si une femme en situation de prostitution est médiatisée, c’est parce que sa version de ce qu’est la prostitution valide l’image ripolinée qu’en propagent les promoteur·trices du système ; et que ce type de discours bénéficie d’une diffusion massive alors que le discours abolitionniste est médiatiquement invisible met en évidence le poids financier de l’industrie du sexe sur les médias et dans la culture. Par rapport à ce discours asservi, voire acheté (annonces prostitutionnelles, téléphone rose, etc.), la parole des survivantes est libre, et c’est cette parole libre qui s’exprime dans ce livre
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l’image de la femme prostituée seule responsable de ce qui lui arrive cache aussi le fait que son « choix » de la prostitution est effectué dans un contexte d’inégalités structurelles, de rapports de pouvoir et de contraintes économiques (enfants à nourrir en l’absence d’aide financière du père, toxicomanie, dettes, viols et incestes antérieurs, chômage, divorce, perte de logement, etc.)
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entre ce point de vue traditionnel de la prostituée responsable et l’argument moderne qui présente la prostitution comme choisie par la personne prostituée : les deux se rejoignent dans la même démarche de déresponsabilisation, la fonction de ces deux discours mystificateurs étant d’occulter le fait que c’est la demande masculine qui donne une impulsion au système prostitutionnel
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Par la prostitution et le mariage, le patriarcat leur garantit un « droit au sexe » auquel les femmes sont astreintes, et la criminalisation de l’achat de sexe, de pair avec la criminalisation du viol dit conjugal, porte atteinte à ce droit : la défense de la prostitution est un enjeu patriarcal fondamental
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la demande des prostitueurs pour du « sexe » avec des enfants n’est pas marginale, mais relève au contraire d’une norme patriarcale et que ces prostitueurs ne sont pas des asociaux ni des psychotiques ou des monstres, mais statistiquement des messieurs Tout-le-Monde que l’on croise tous les jours
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