AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Francis Jourdain (1)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Sans remords ni rancune : Souvenirs épars d'u..

Dans la famille Jourdain, on était artiste de père en fils : Frantz Jourdain (1847-1935) est demeuré célèbre pour avoir été l’architecte de la Samaritaine à Paris tandis que son fils Francis (1876-1958) choisit la peinture pour finalement être un des premiers décorateurs qui prônèrent « l’art pour tous ». Ses préoccupations sociales l’engagèrent à mettre au point dès 1904 un mobilier au style épuré, à la fois beau et utilitaire et dont le prix soit accessible. Membre fondateur de l’Union des artistes modernes en 1929 avec Robert Mallet-Stevens, il devint célèbre pour ses meubles « interchangeables » aux fonctions multiples, qu’il exécuta dans des matériaux nouveaux. Céramiste, créateur de tissus et de luminaires, de décors pour le cinéma (notamment pour L’Atalante de Jean Vigo), Francis Jourdain eut aussi une activité d’écrivain. Il rédigea entre autres ouvrages plusieurs volumes de mémoires qui sont parmi les plus intéressantes évocations du Paris artistique d’avant 1914. Francis Jourdain était né en 1876 : il en fit en 1951 le titre d’un de ses livres, Nés en 76, qui est un voyage nostalgique dans le monde perdu d’une génération d’artistes, celle qui connut l’effervescence des années 1900 et fut durement frappée par la Première Guerre mondiale. Son succès engagea Jourdain à le développer en 1953 dans Sans remords ni rancune, deuxième tome de ses mémoires, réédité aujourd’hui aux éditions Delga. Son écriture fluide et précise, alerte mais très analytique, en fait un livre dense et captivant. On pense parfois à Gide en lisant ces pages, mais un Gide corrigé par Paul Léautaud, dont l’intransigeance et la remarque assassine étaient proverbiales. Gide et Léautaud étaient du reste des connaissances de Jourdain, qui en dresse des portraits saisissants dans son livre ainsi que de nombreux autres écrivains, tel Alphonse Daudet ou Mirbeau par exemple, dont il fut proche. Mais ces mémoires sont aussi un témoignage irremplaçable sur la création du Salon d’automne, sur la manière dont les artistes d’avant 1914 comprirent l’impressionnisme et comment ils s’en servirent pour concevoir un art décoratif. Plusieurs passages évoquent aussi l’orientation de la peinture figurative des années 1920 et 1930, celle des Rouault, Derain ou Van Dongen qui sont parmi les plus lumineux sur leur art. Tout l’intérêt du livre réside dans l’équilibre entre le récit anecdotique et l’orientation historique de l’ensemble, qui retrace l’atmosphère intellectuelle d’un milieu : celui où l’on détestait Bouguereau, mais où l’on révérait Corot, Monet et Cézanne. Reste que certaines pages en font aussi un « roman » d’été parfait pour une villégiature : la description de Vlaminck au chevalet, « costaud », « brutal », qui « d’un coup d’épaule, vlan !, enfonce des portes ouvertes » est d’une saveur comique sans pareille. Le chapitre sur les derniers jours de Rodin, « colosse admirable » et « pauvre bougre retors » sont superbes. On a reproché à Jourdain d’être le « vivisecteur » implacable du monde artistique de son temps. C’est pourtant pour notre plus grand plaisir de lecteur.



Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 514, juillet 2015
Commenter  J’apprécie          60


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Francis Jourdain (3)Voir plus

Quiz Voir plus

Chaos ou Karma ?

Rouge XXX Jean-Christophe Grangé

chaos
karma

12 questions
75 lecteurs ont répondu
Thèmes : romans policiers et polars , humour , chaos , karmaCréer un quiz sur cet auteur

{* *}