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Critiques de François Azouvi (11)
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Comprendre le malheur français

Malgré tout l’intérêt et l’attention que je porte depuis longtemps à la pensée et aux écrits de Marcel Gauchet, j’ai hésité à acheter son dernier livre en apprenant qu’il s’agissait d’une interview, donc, pensais-je, d’une improvisation (même sur fonds de travaux antérieurs et solides), forcément un peu relâchée et superficielle. J’avais tort. Visiblement récrit et retravaillé, le texte bénéficie de la distanciation, de la pondération, de la précision, de l’approfondissement et des compléments d’information que permet seul le temps laissé au temps. Bref, même sous forme de questions-réponses, il s’agit d’un véritable livre, seulement plus ramassé et plus direct que l’essai ordinaire.



Observateur attentif de notre actualité et de l’état de nos sociétés, Gauchet fait entendre une voix différente dans le chorus journalistique et politico-médiatique grâce à l’originalité du regard qu’il porte sous sa double casquette. Philosophe en effet, il sait prendre la hauteur ou la largeur de vue nécessaires pour sortir du fouillis événementiel et dégager du sens, en synthétisant des concepts et en gardant le fil de principes théoriques. Historien, il garde pied sur le plancher des faits, mais il échappe à l’amnésie médiatique, en rappelant justement (sur la longue durée) comment ils se sont faits et en restituant ses profondeurs au temps qui court.



L’objectif ici est de « comprendre le malheur français », que d’autres ont appelé « sinistrose », c’est-à-dire le sentiment actuel, général et profond, que notre pays est foutu, qu’à l’échelle du monde et à l’aune des valeurs nouvelles il n’a plus aucun avenir devant lui. Sentiment de dépit, de trahison, de doute et de révolte, sentiment à la fois masochiste et vindicatif, qui prend la forme d’un divorce entre le peuple et ses élites, entre la nation et la nomenklatura européenne, entre l’attachement républicain et les sirènes néo-libérales. Loin (comme il est de bon ton) de condamner ce pessimisme, Gauchet lui trouve bien des raisons, en confrontant le destin qui fut historiquement celui de la France, de Louis XIV à Charles de Gaulle via la période révolutionnaire, et son déclin depuis un demi-siècle, avec le ralliement de la gauche comme de la droite à la Loi du Marché et à la mécanique européenne. Pour instruire le dossier, il traverse les siècles en montrant précisément ce qu’a été la vocation universaliste de la France, le fort sentiment d’identité qu’elle y a puisé, et toute la construction politique et idéologique qui en structurait l’exigence ; et il décrypte de même, plus près de nous, dans les différents septennats et quinquennats de la Cinquième République, les phases et processus qui en ont marqué l’abandon et le délitement.



On a qualifié Gauchet de « néo-réactionnaire » parce qu’il ne bêle pas à l’unisson des moutons du système et qu’il n’y crie pas non plus avec les loups. Mais, en penseur obstiné du politique, il garde le cœur à gauche et s’accroche aux fondements du vivre-ensemble républicain. Simplement, il résiste aux évolutions en cours et s’oppose résolument à la grande braderie qui, aujourd’hui, disperse et liquide l’héritage chèrement acquis : les « peuples souverains » dilués dans le grand melting-pot commercial, « l’État » reconverti en Conseil d’Administration de l’entreprise France, les « citoyens » transformés en électrons libres dans l’hypermarket des biens, des idées et des plaisirs, « l’intérêt général » ramené à l’addition de tous les intérêts particuliers, les « devoirs sacrés » dévalués par l’inflation galopante des droits, toute forme d’« institution » délitée sous l’effet conjugué de l’individualisme, de la mobilité et de la labilité ambiantes. L’analyse est précise, décapante, convaincante et, paradoxalement, de disposer d’un tel diagnostic, on se sent déjà quelque peu soulagé du poids du « malheur français ». Mais (en dehors du forcing et du blocage de la mécanique européenne pour la contraindre à repartir sur d’autres bases ou de l’exhortation finale à réveiller notre atavisme politique) j’ai cherché et attendu en vain les quelques pistes annoncées pour en sortir vraiment.

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L'institution de la raison

Les philosophes de la Révolution veulent mettre en place des institutions qui prolongent le mouvement démocratique et libertaire à l'oeuvre : suivant Condillac et les écrits de Destutt de Tracy, ils fondent l'Ecole normale, les Ecoles centrales, le Museum d'Histoire naturelle, l'Institut de France, l'Ecole des langues orientales, l'Ecole Polytechnique, etc. le tout en quelques années autour du positivisme des Lumières, la recherche de l'analyse des phénomènes plutôt que le psychologisme, la métaphysique ou la recherche des principes premiers de la connaissance, recherches futiles et non scientifiques.



L'objectif et le principe de ces fondations multiples sont détaillés par courts articles dans cet ouvrage avec pour ligne directrice de donner au nouvel Etat les moyens d'organiser, pour la première fois à ce niveau, le savoir de l'ensemble de la société. L'"idéologie", selon le néologisme de Destutt de Tracy était née ; elle ne résistera pas entièrement à l'épisode napoléonien qui en sapera les fondements sans en fermer toutes les institutions et, malgré l'admiration que ces chantiers immenses et nombreux suscitent à l'étranger, ne sera pas non plus exempte de critiques sur la légitimité de placer la raison au centre du système politique.
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Le mythe du grand silence

Un livre particulièrement intéressant. L'auteur s'intéresse à la construction de la mémoire dans l'inconscient collectif et cherche à savoir d'où vient l'idée (totalement fausse bien sur) d'une occultation de l'holocauste après la guerre. Il analyse toute la production autour de l'holocauste, tous les événements pour répondre à ses questions...Un livre à lire, en particulier aujourd'hui...
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Comprendre le malheur français

Un de ces livres qui vous rend intelligent. Lumineux dans la grisâtre des prêches de la clique des journaleux bien pensants bobo-gaucho qui passent leur temps à pérorer dans les médias.
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De Königsberg à Paris

La réception des ouvrages de Kant en France : leur lecture donne mal à la tête à Mérian, plaît à Villers qui obtient l'approbation de Kant sur sa synthèse, flétrit l'orgueil national des idéologues, sauf de Tracy, et enflamme Fauriel.
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Comprendre le malheur français

je crois que comme beaucoup de lecteur de ce livre,l'originalité de l'approche de la crise actuelle m'a assez séduit, voire tres séduit

effectivement ,coté gestion politique , donc administrative la France est toujours dans le registre d'un pouvoir étatique monarchique (voir les reproches adressés a sarkosi de se prendre pour un bonaparte........

mais au delà de ca , dire que le malheur francais , la déprime de nos concitoyens ,serait lié a la nostalgie de la grandeur passée, là ca fait un peu ""short""

nous avons appris a apprécier un certain confort , une certaine aisance des les années 60, et tout d'un coup nous voila avec un chomage massif, un pouvoir d'achat a la baisse et aucun horizon plus clean a venir ......

et de ce constat aucun mot de la part de M Gauchet quant aux solutions

pourquoi la mondialisation nous touche de plein fouet , alors que l'Allemagne surfe allegrement sur cette mondialisation avec une industrie innovante.....

que notre passé historique , notre concept de gouvernance soit a l'origine d'un tel fiasco , ok , mais aucune solution ne semble sortir de ce bouquin

M; GAuchet serait-il lui aussi , aussi aveugle que nos gouvernants , aussi incapable d'aborder, a partir d'un constat politique , social , psychologique , le probléme qui fait que nous sommes en train de rejoindre , par exemple les pays méditerraneens?

Pourquoi tant de dégats au niveau industriel , la base de toute société moderne ?

pourquoi un systeme éducatif aussi vicieux , aussi borgne et aussi passéiste ? silence de M Gauchet (ou absence de clairvoyance, tant celui ci est absorbé par ce cocon intellectuel francais aveugle )
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Comprendre le malheur français

On n’est pas obligé de partager toutes les opinions et conclusions de l’auteur pour apprécier la qualité et la lucidité de son analyse sur la situation sociale et politique de la France fermement appuyée sur une irréprochable culture historique . En un temps où l’on veut faire passer des batteurs d’estrades , des imprécateurs médiatiques , des experts auto-proclamés pour des intellectuels ,il est bon de se confronter à un texte clair , riche et cohérent qui nous aide à penser le présent.
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Comprendre le malheur français

Faut-il vraiment lire cet ouvrage à la veille des élections? Le constat est si dur sur les trahisons de nos élites politiques qu'il peut conduire au découragement. Comment elles restent sourdes à l'intelligence partagée des citoyens; comment elles trahissent plus ou moins sciemment (surtout les socialistes, qui en ont fait un système de gouvernement depuis Mitterrand); comment l'Europe est avant tout le symptôme d'un échec de politique intérieur, un pis aller... Bien sûr, ce livre d'entretiens n'échappe pas à quelques facilités, frôlant parfois la discussion de comptoir. On aimerait de temps en temps que les propos soient plus argumentés en chiffres et données. Mais au final, l'analyse reste précise comme la lame d'un scalpel. Avec quelques clés historiques utiles à la compréhension des dérives actuelles : la façon dont l'Ancien Régime, incessamment, tente de coloniser la Révolution; la "radicalité du néo-libéralisme qui s'exprime sans radicalité"; l'idéologie omniprésente et pourtant déniée et masquée. Oui, finalement, à lire avant d'aller voter.

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Comprendre le malheur français

Tel Freud soucieux de faire passer ses patients «de la misère hystérique au malheur commun», il veut réconcilier les Français avec leur condition pour éventuellement la corriger.
Lien : http://rss.nouvelobs.com/c/3..
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Du héros à la victime : la métamorphose contempor..

Dans « Du héros à la victime. La métamorphose contemporaine du sacré », le philosophe et historien François Azouvi analyse le passage d'une société qui promeut l'héroïsme à une époque qui invite à se constituer en victime. Une mutation liée, selon lui, au recul du religieux.
Lien : https://www.la-croix.com/rel..
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Du mur de Berlin aux tours de New York. Dou..

Ce livre date de 2002. On peut donc lui excuser des prévisions qui ne se sont pas du tout réalisées. Le plus consternant est que René Rémond accumule des analyses très conventionnelles et dignes de médias aveugles, même pour l'époque (les Etats-Unis qui partent en guerre au nom de... la démocratie ! par exemple).

Surtout ce livre n'apporte rien, pas d'analyses plus ambitieuses, pas de choses que l'on ne sache déjà ; des explications à travers l'Histoire (dont c'est son métier pourtant) très sommaires, sans oublier une tendance anti-gauche flagrante (le poncif réducteur du communisme amalgamé avec la dictature soviétique : il y a d'autres dictatures basées sur le communisme bien que différentes et l'idée de base du communisme n'est pas plus totalitaire en soit que le capitalisme, c'est tout de même une analyse mesurée et sage partagée depuis longtemps par les vrais intellectuels !) ; sans compter un long chapitre sur l'évolution du PS et de l'UMP ces dernières années qui parait bien incongrue rapportée au titre de l'ouvrage.

Bref, une réelle déception que cet entretien rapide couché sur papier par cet historien-académicien pourtant salué.
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