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Critiques de François Gaulme (2)
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Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l'Af..

L’ouvrage sous recension présente, avec un retard de près de trois années hélas difficilement compressible, les actes d’un colloque qui s’était tenu à Nantes en mai 2012 consacré aux conceptions du pouvoir en Afrique. Autour de Bernard Salvaing, professeur émérite à l’université de Nantes et spécialiste de l’histoire de l’Islam dans l’Ouest africain, une quinzaine d’universitaires et de praticiens ont testé l’hypothèse de la rémanence de cultures séculaires dans les modalités contemporaines d’exercice du pouvoir en Afrique.



La thèse n’est pas nouvelle. Elle avait été développée en son temps par Jean-François Bayart. L’État africain est « hybride » : il emprunte à la fois à des formes traditionnelles et à des formes contemporaines. C’est cette « hybridité » qui explique d’ailleurs son échec : ni tout à fait moderne, ni tout à fait traditionnel, l’état en Afrique est coincé dans un impossible entre-deux.



Jean Frémigacci offre l’illustration la plus parlante de cette thèse dans l’article que ce spécialiste reconnu de Madagascar consacre à la Grande-Île. L’ingouvernabilité du pays et ce qu’il appelle la « chimère » de l’Etat malgache résultent selon lui de la somme de deux maux. D’une part, le mimétisme colonial a conduit à « importer » sans plus y réfléchir les formes d’un État occidental sans prise avec les réalités locales. De l’autre, les valeurs traditionnelles, telles que la sacralité de la parenté et l’attachement à la terre, obèrent le fonctionnement d’un État moderne.

Une version plus réussie de cette hybridité est analysée par Tony Chafer à travers le cas du Sénégal. L’historien britannique, spécialiste de la politique africaine de la France, soutient que l’ancien colonisateur en est parti « pour mieux [y] rester » (p. 19). Pris de court par un processus qu’elle n’avait pas anticipé, la puissance coloniale a cherché à continuer à exercer son influence à moindres coûts. Elle y est parvenue grâce à la conjugaison de plusieurs facteurs favorables : la présence d’élites africaines formées à la culture française, un processus pacifique qui, à la différence de la sanglante rupture algérienne, n’a pas hypothéqué l’avenir, le contexte international de guerre froide qui encourageait le nouvel État indépendant à « choisir son camp ».



La situation de la Côte d’Ivoire constitue un cas médian. Utilisant le mémoire de master d’un de ses étudiants et dressant une comparaison paradoxale mais fertile avec le pouvoir exercé à la même époque par Modibo Keita au Mali voisin, Bernard Salvaing montre comment Félix Houphouët-Boigny a bâti un Etat moderne en s’appuyant sur des conceptions autochtones traditionnelles. Le « père de la Nation » était tout à la fois un pilier de la IVème République française et un chef baoulé. Sans doute a-t-il doté l’Etat ivoirien de tous les attributs d’un Etat occidental moderne : une constitution calquée sur celle de la Vème République, un drapeau tricolore, une devise ternaire, un hymne national inspiré de La Marseillaise. Pour autant, il n’a pas hésité à utiliser les ressorts du pouvoir traditionnel, par exemple en entretenant avec la population un contact constant comme devait le faire autrefois le souverain africain à l’occasion de certains rituels ou en entretenant, à travers le parti unique PDCI, l’unanimisme des sociétés ivoiriennes anciennes. Dans une contribution au titre volontairement provocateur, Kouamé N’Guessam se demande s’il ne faut pas « regretter le parti unique ». Il observe que le multipartisme a conduit à l’explosion des tensions ethniques et à la division du pays… faisant peut-être trop vite litière du retour, depuis 2011, de la paix dans un cadre démocratique.



L’hybridité ne caractérise pas seulement les régimes politiques africains. Bernard Salvaing a raison de souligner dans sa conclusion que le concept vaut aussi dans d’autres sphères : la justice , les échanges économiques, les croyances religieuses… Il a également raison de s’interroger sur l’historicité de ce phénomène : les rapides mutations des sociétés africaines influent-elles sur le caractère hybride de l’État ? ou, pour le poser autrement, le pouvoir est-il de plus en plus ou de moins en moins hybride ?
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