François-Louis Ganshof

Oui, on a bien affaire avec Qu'est-ce que la féodalité ? à un manuel classique, encore utilisé par certains de nos jours, ou tout au moins vanté pour sa clarté et son sérieux. Reste qu'à avoir découplé l'observation si fine soit-elle de la féodalité du phénomène seigneurial proprement dit et plus immédiatement compréhensible (les deux choses se complétant l'une l'autre), l'auteur a pris le risque de paraître quelque peu "abstrait", comme il a souvent été dit par ceux qui ont fait la critique de ce livre.

juriste autant qu'historien dans son analyse de la féodalité, François-Louis Ganshof n'arrive pas à la penser autrement que comme un engagement personnel passé entre deux contractants inégaux en puissance mais rendus inséparables par l'acte qui les lie : l'un seigneur suzerain, détenteur d'une autorité pleinement assumée sur ses terres, recevant un hommage et un serment de fidélité prêté par un vassal, l'autre récompensé en échange par l'octroi d'une terre, d'un domaine, d'un fief ou d'une rente. Il s'en tient souvent à la description de cette pratique avec force exemples à l'appui, et c'est là que ce travail est sans conteste le plus exemplaire. Cependant, même si Ganshof voit bien l'extension et la généralisation géographiques de celle-ci, il ne rappelle pas assez qu'elle est devenue le système fondateur d'un modèle civisationnel qui mérite bien sûr lui aussi une approche d'ensemble et la prise en compte des particularités propres à chaque zone, selon les us et coutumes du lieu. La féodalité fut-elle aussi "universelle" en Europe que le pensait Ganshof ? C'est oublier un peu, même si Ganshof n'est pas ignorant de la chose, l'importance des "alleux" en nombre et en termes d'indépendance pour ceux qui connaissaient cette relative liberté, certainement plus avantageuse, au premier regard, que la relation entre suzerain et vassal, même si ce dernier était censé exercer une fonction de conseil auprès de celui à qui il avait donné sa foi.

La lecture de ce livre est néanmoins toujours indispensable à qui veut mieux comprendre ce qui s'est passé en matière de relations juridico-politiques en Europe occidentale sous les Francs, les Mérovingiens, les Carolingiens et les Capétiens entre grands, petits et moyens seigneurs selon les liens de dépendance des uns et des autres.



François Sarindar

La féodalité et les liens vassaliques expliqués simplement et avec concision. Le "Ganshof" a été longtemps considéré comme la "bible" sur ce sujet.