(...) je me dis que je suis content de ne pas avoir été là au moment de la Libération. J'irais presque jusqu'à avancer que j'étais heureux d'être encore dans mon camp...
De tout ce qu'on m'a raconté, de tout ce que j'ai lu, l'épuration a été quelque chose d'affreux, d'ignoble.
Tous ces gens qui se sont employés à ne rien faire pendant l'Occupation, ou qui ont été doucement complices de ce qui se faisait, et qui brusquement se révèlent des résistants, prennent des airs de matamores, vont tondre de pauvres filles! Je repense par exemple à un huissier, un collaborateur notoire, qui était une cible quand j'ai été arrêté. On se posait la question de savoir qui parmi nous allait le liquider, car c'était une menace pour les maquis. Je rentre et il est médaillé de la Résistance parce qu'il a dû retourner sa veste au bon moment.
On est en lisière d'une forêt. A travers les barbelés et la clôture électrique, on voit des biches, des cerfs, tous ces animaux qui se promènent. C'est la forêt allemande, celle du romantisme allemand, , c'est magnifique. Les Allemands placent leurs camps dans des endroits merveilleux...
Oui, de la viande circule et on sait très bien que c'est un bonhomme. Le moment est venu où l'on sait que l'on va mourir le lendemain. C'est très difficile à décrire. Pour les gens tellement faibles que nous sommes devenus, tout est alors permis.
Les gens qui disent qu'il ne faut pas bouffer les autres n'ont jamais eu faim de leur vie...
Pour beaucoup de mes amis, chercher à expliquer, c'est déjà être complice. De fait, il est très dangereux de chercher à expliquer, mais expliquer n'est pas excuser et cela aide comprendre la société contemporaine.
Chez toute personne, il y a une disponibilité incroyable de violence. Et dès qu'il y a un cadre, elle s'exprime. Il suffit de voir comment on peut manipuler une foule.
(...) dans cet environnement où l'on doit calculer le moindre effort, on a plus de risques de mourir si l'on couche en haut.
Dans le chaos de l'Allemagne des derniers mois, il y a toujours cette espèce de rigueur dans l'absurde. Mener des combats qui n'ont plus aucun sens. Déplacer des condamnés qui ne sont pas encore morts pour les mettre dans des camps et les faire mourir encore plus...
C'est vraiment l'absurdité grandiose.
C'est l'époque où les énarques commencent à remplacer les normaliens dans les cabinets ministériels, comme il y a eu un moment en Europe où les rats gris ont remplacé les rats noirs, qui étaient plus civilisés.
On est en lisière d'une forêt. A travers les barbelés et la clôture électrique, on voit des biches, des cerfs, tous ces animaux qui se promènent. C'est la forêt allemande, celle du romantisme allemand, , c'est magnifique. Les Allemands placent leurs camps dans des endroits merveilleux...
Les démocraties portent vraiment en elles les ferments de leur destruction.