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Citation de Triglyph


Agnès, en un mot, devient la lectrice des montagnes. Car lire, ce qui s'appelle lire, commence toujours par cette immobilization, ce consentement de l'esprit et de l'imagination à leur propre abandon, voire à leur servitude, c'est-à-dire au renversement du pouvoir que nous nous attribuons habituellement sur nos idées, nos projets, nos besoins, notre existence même. Le lecteur veritable (s'il existe encore) est toujours ce «lecteur oisif» auquel s'adresse le prologue de Don Quichotte, un lecteur qui a pris congé de ses affaires et de ses buts, qui a interrompu sa course et qui, «empêché de s'en aller» par la beauté qu'il a sous les yeux, se met en retard sur lui-même et sur tout ce qu'il avait voulu et prévu. Ouvrir un livre, se laisser «encercler» par un livre, ou se placer dans la position d'être soi-même «lu» par un livre, du moins si ce livre est un roman, demande d'abord que l'on «descende de voiture» , c'est-à-dire que l'on écarte non seulement, comme le stipule le pacte de la fiction, du réel familier qui nous environne, mais aussi, et plus fondamentalement encore, de notre histoire personnelle, de nos allégeances sociales, politiques, affectives, de nos «recherches» et de nos théories, de notre identité même, si cela est possible. Sans cet abandon, sans cette «distraction» initiale, aucune lecture ne peut avoir lieu, aucune découverte ni aucun émerveillement, mais seulement la réitération de ce que nous savions, voulions et étions déjà. Comme l'Agnès qui cède aux montagnes n'est plus l'Agnès qui tout à l'heure était pressée de filer sur Paris, de même le je qui lit est toujours un autre.

Un autreet, forcément , une sorte de traître...
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