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Citation de Partemps


François Villon
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XIV.

Je suys pecheur, je le sçay bien ;
Pourtant Dieu ne veult pas ma mort,
Mais convertisse et vive en bien ;
Mieulx tout autre que peché mord,
Soye vraye voulenté ou enhort,
Dieu voit, et sa misericorde,
Se conscience me remord,
Par sa grace pardon m’accorde.

XV.

Et, comme le noble Romant
De la Rose dit et confesse
En son premier commencement,
Qu’on doit jeune cueur, en jeunesse,
Quant on le voit vieil en vieillesse,
Excuser ; helas ! il dit voir.

Ceulx donc qui me font telle oppresse,
En meurté ne me vouldroient veoir.

XVI.

Se, pour ma mort, le bien publique
D’aucune chose vaulsist myeulx,
A mourir comme ung homme inique
Je me jugeasse, ainsi m’aid Dieux !
Grief ne faiz à jeune ne vieulx,
Soye sur pied ou soye en bière :
Les montz ne bougent de leurs lieux,
Pour un paouvre, n’avant, n’arrière.

XVII.

Au temps que Alexandre regna,
Ung hom, nommé Diomedès,
Devant luy on luy amena,
Engrillonné poulces et detz
Comme ung larron ; car il fut des
Escumeurs que voyons courir.
Si fut mys devant le cadès,
Pour estre jugé à mourir.

XVIII.

L’empereur si l’arraisonna :
« Pourquoy es-tu larron de mer ? »
L’autre, responce luy donna :
« Pourquoy larron me faiz nommer ?
« Pour ce qu’on me voit escumer
« En une petiote fuste ?
« Se comme toy me peusse armer,
« Comme toy empereur je fusse.


XIX.

« Mais que veux-tu ! De ma fortune,
« Contre qui ne puis bonnement,
« Qui si durement m’infortune,
« Me vient tout ce gouvernement.
« Excuse-moy aucunement,
« Et sçaches qu’en grand pauvreté
« (Ce mot dit-on communément)
« Ne gist pas trop grand loyaulté. »

XX.

Quand l’empereur eut remiré
De Diomedès tout le dict :
« Ta fortune je te mueray,
« Mauvaise en bonne ! » ce luy dit.
Si fist-il. Onc puis ne mesprit
A personne, mais fut vray homme ;
Valère, pour vray, le rescript,
Qui fut nommé le grand à Romme.

XXI.

Se Dieu m’eust donné rencontrer
Ung autre piteux Alexandre,
Qui m’eust faict en bon heur entrer,
Et lors qui m’eust veu condescendre
A mal, estre ars et mys en cendre
Jugé me fusse de ma voix.
Necessité faict gens mesprendre,
Et faim saillir le loup des boys.

XXII.

Je plaings le temps de ma jeunesse,
Ouquel j’ay plus qu’autre gallé,

Jusque à l’entrée de vieillesse,
Qui son partement m’a celé.
Il ne s’en est à pied allé,
N’à cheval ; las ! et comment donc ?
Soudainement s’en est vollé,
Et ne m’a laissé quelque don.

XXIII.

Allé s’en est, et je demeure,
Pauvre de sens et de sçavoir,
Triste, failly, plus noir que meure,
Qui n’ay ne cens, rente, n’avoir ;
Des miens le moindre, je dy voir,
De me desadvouer s’avance,
Oublyans naturel devoir,
Par faulte d’ung peu de chevance.

XXIV.

Si ne crains avoir despendu,
Par friander et par leschier ;
Par trop aimer n’ay riens vendu,
Que nuls me puissent reprouchier,
Au moins qui leur couste trop cher.
Je le dys, et ne croys mesdire.
De ce ne me puis revencher :
Qui n’a meffait ne le doit dire.

XXV.

Est vérité que j’ay aymé
Et que aymeroye voulentiers ;
Mais triste cueur, ventre affamé,
Qui n’est rassasié au tiers,
Me oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu’un s’en recompense,

Qui est remply sur les chantiers,
Car de la panse vient la danse.

XXVI.

Bien sçay se j’eusse estudié
Ou temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dedié,
J’eusse maison et couche molle !
Mais quoy ? je fuyoye l’escolle,
Comme faict le mauvays enfant…
En escrivant ceste parolle,
A peu que le cueur ne me fend.

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