L'histoire de chaque bibliothèque s'inscrivant dans les stratifications créées par ses acquisitions, toute disparition volontaire ou non est une amputation.
Lorsqu'on évoque, dans le vocabulaire bibliothéconomique, le "développement des collections", on ne fait pas allusion à un processus d'accroissement perpétuel, mais à un jeu d'ajustements successifs et nécessaires, en plus ou en moins : si le bibliothécaire ajoute à la collection, il est également amené à tailler, à réduire.
Une erreur d'élimination est toujours beaucoup plus grave qu'une erreur d'acquisition ; elle est aussi plus difficile à éviter, faute de points de repère.
Selon Paul Otlet, "le respect du livre et du document se justifie pour des raisons de morale humaine, sociale. Pour des raisons de morale divine aussi : le devoir d'honorer en toutes circonstances le créateur dans la créature, étendu aux oeuvres de celle-ci. Pour un Chinois, détruire le papier écrit, c'est un péché. Tuer un livre, a dit Milton, c'est commettre un attentat plus grave que le meurtre d'un homme. Les livres sont des personnes morales et intellectuelles. On n'a pas le droit de les détruire dans une société civilisée, alors qu'on n'y exécute plus la peine de mort sur des personnes physiques."