Fraternités monastiques de Jérusalem

Pour que ton travail puisse te conduire à l'unification de l'être, à la rencontre de sa valeur la plus profonde et de sa mystique cachée, veille à ce qu'il soit - utile: ton travail ne saurait être ni un passe-temps ni une condescendance, ni une concession qui le rendrait vain, voire facultatif; - bien fait: chacun doit être attentif à son propre travail, s'y appliquer soigneusement, l'accomplir intégralement sous le regard de Dieu, y apporter un zèle actif et une sollicitude empressée... sans passer futilement d'une activité à une autre (Grandes règles §41); -pauvre: dans sa double dépendance, de l'employeur et de la communauté, réduit dans le temps, solidaire de tous, ses gains aussitôt reversés sans pouvoir t'enrichir jamais; -vécu comme un témoignage donné par ton sérieux, ta fidélité, ta serviabilité, ta joie, ton empressement, ta discrétion, ton enthousiasme, ta foi sans prosélytisme, mais en répudiant aussi les silences de la honte; équilibré et réaliste, respectant tes autres engagements, ton jour de désert, ta présence aux liturgies, exigeant sans être éreintant ni aliénant; essentiellement, qu'il soit pour toi occasion de prière et de charité, car c'est dans l'amour que se lie toute perfection. Par-dessus tout, travaille avec crainte et tremblement à accomplir ton salut: aussi bien dieu est là qui opère en toi à la fois l'action et l'intention au profit de ses bienveillants desseins.

Tu ne peux choisir ton travail par initiative personnelle. Et tu serais digne de blâme si tu n'acceptais pas un travail imposé, péchant alors par suffisance et par désobéissance (Grandes règles §41). accepte avec autant de joie de travailler à l'extérieur, qu'à l'intérieur, selon ce qu'il convient et qui t'est demandé. Ne tire aucune vanité à gagner beaucoup ni amertume à gagner peu, sachant qu'avec tes frères et sœurs, tous ensemble, priant, étudiant ou travaillant successivement, c'est tous ensemble que nous devons d'un même cœur, d'une seule âme et dans le même esprit, travailler d'abord à l'œuvre de Dieu et, par-delà toutes les tâches nécessaires, choisir ensemble de vivre la meilleure part. Tout importe mais Dieu seul suffit. Discerne donc avec le prieur et le conseil quel travail tu peux choisir ou accepter et précise avec eux dans quelles conditions tu devras l'assumer. Crois ici la sagesse des Anciens et des Pères quand ils disent, citation: On peut esquisser ce principe général qu'il faut choisir les métiers qui gardent à notre vie sa paix et sa tranquillité, qui n'offrent pas beaucoup de difficultés techniques et n'exigent pas de nous des rencontres nuisibles ou malséantes (Grandes règles §38).

En travaillant à temps réduit et pour un salaire souvent minime, rappelle à ce monde, sans discours mais par ta vie, les valeurs parallèles de la prière, de la gratuité, du silence, de la vie fraternelle, de l'accueil dans la paix et de la louange, et qu'il nous faut tous chercher d'abord le royaume de Dieu et sa justice. Car que sert à l'homme de gagner l'univers s'il ruine sa propre vie? Accepte, de ce fait, avec humilité et lucidité, de ne travailler au-dehors qu'à mi-temps, afin de réserver pour la contemplation, la vie commune, la solitude, l'étude, l'accueil, le repos, tout le temps nécessaire à une vie paisible et équilibrée. C'est peut-être là que le Christ situe pour toi au mieux la dimension prophétique de ta vie monastique.

En choisissant de travailler autant qu'il faut mais pas plus que tu ne dois, et non point d'abord par une œuvre périssable mais pour celle qui demeure en vie éternelle, face à un monde où le travail est comme sacralisé, souvent hypertrophié, et devient le lieu de l'affrontement, de la concurrence, de l'aliénation, de la course aux richesses matérielles, tu dois te situer en liberté et contestation.

Par ton travail, tu diras aussi ta solidarité avec le monde de la ville et la foule de ses travailleurs qui le vit, le recherche, l'anime ou le subit. Il sera pour toi le lieu privilégié de la rencontre de l'homme frère où il est, et service vécu au cœur de la cité où tu dois t'insérer, car il y a six jours pendant lesquels on doit travailler. Et Jésus, comme homme, l'a redit et fait.

Pour être à la fois plus proche de tous et marquer ta libre dépendance, tu refuseras toute entreprise privée. Autant que possible, tu seras salarié, te souvenant seulement que l'ouvrier mérite son salaire. Par là même tu apprendras la dépendance et l'humilité de la soumission. Ainsi également recevras-tu d'une main pour redonner de l'autre sans les refermer sur tes propres mains.

à l'évidence, il te faut travailler avec zèle (...) Par ton labeur vis la pâque quotidienne de la peine à l'offrande, de la contrainte à l'acceptation, et passe de l'homme soumis au coopérateur filial. Que ton être ainsi unifié fasse tout pour la gloire de Dieu. Ainsi seras-tu, par le travail, tout à la fois épanoui et purifié, solidaire des hommes et proche de ton Dieu.

à l'évidence, il te faut travailler avec zèle (...) Par ton labeur vis la pâque quotidienne de la peine à l'offrande, de la contrainte à l'acceptation, et passe de l'homme soumis au coopérateur filial. Que ton être ainsi unifié fasse tout pour la gloire de Dieu. Ainsi seras-tu, par le travail, tout à la fois épanoui et purifié, solidaire des hommes et proche de ton Dieu.

Une double nécessité t'invite à travailler: d'une part, subvenir aux besoins de la communauté, en vivant du travail de tes mains de façon que ni tes frères ni toi ne soyez à la charge de personne; d'autre part, assister les faibles et venir en aide aux nécessiteux. Ainsi la charité préside-t-elle en tout à ton ouvrage puisque son fruit sera pour le frère et l'indigent.

Ton rôle n'est pas de prendre un engagement dans le domaine de LA politique, lieu de trop de divisions, de compromissions, d'affrontements, mais d'annoncer debout, par ta vie, avec justice et vérité, l'Evangile de la Paix, engagé que tu es, moine citadin, dans LE politique, au cœur de la ville, polis en grec, que Dieu chérit