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Citation de EditionsArmada


Prologue

Les nacelles oscillaient avec d'affreux couinements de charnières mal huilées, et Jake se cramponnait au mât à chaque nouvelle impulsion du vent, le cœur au bord des lèvres. Il ne se rappelait plus très bien comment il avait trouvé le courage de gravir la structure d’acier de la grande roue, mais à présent que l’exploit était accompli et qu’il était perché à califourchon sur l’axe central, son foutu vertige lui était revenu. Il devait lutter avec l’impression que le sol l’attirait comme un aimant, que ses pauvres fesses ankylosées allaient glisser et précipiter sa chute, qu’il allait s’écraser au sol, quinze yards plus bas.
Le sol.
D’après ce qu’il avait pu saisir lors du dernier coup d’œil qu’il avait risqué en contrebas, le site était plongé dans l’obscurité. L’éclat de la lune luisant à la surface de l’océan suffisait à peine à esquisser le relief des attractions et des baraques foraines. La fête tout entière s’était brutalement retrouvée dans le noir au plus fort de la cohue, quand les gens se piétinaient en hurlant pour échapper à… aux…
Un spasme lui comprima l’estomac et l’amertume de la bile lui soutira une grimace de dégoût. Il serra les dents pour ne pas gerber.
Il lui avait semblé apercevoir quelques ombres mouvantes, mais ce pouvait tout aussi bien être le fruit de son imagination.
Un silence de mort était retombé depuis que les derniers cris avaient cessé et que les ultimes plaintes s’étaient éteintes.
Il n’y avait plus rien de vivant, là-dessous. ou presque.
Jake frissonna, sortit son téléphone cellulaire et pianota fiévreusement le 911 sur le clavier numérique.
Mais comme lors de son précédent essai, l’écran affichait l’absence de réseau, comme si la coupure de courant avait également affecté l’émetteur, à moins d’un mile de là. Ces trucs-là ne disposaient-ils pas d’une batterie de secours ? Il ne savait pas, il ne savait plus.
Il déglutit à grand-peine pour avaler sa salive et songea à ses amis.
Stan et lui avaient été séparés de Chris et Sarah par le brusque mouvement de panique qui s’était emparé de la foule quand ça avait commencé. Il espérait qu’eux aussi avaient trouvé un refuge. Sinon, à l’instar de ce pauvre Stan, il ne donnait pas cher de leur peau.
Le garçon était mort. Sous ses yeux. Pauvre type. Crever, c’est déjà pas terrible, mais de cette façon…
La brise imprima un nouveau mouvement de balancier aux nacelles. L’ensemble de la structure vibra et Jake
sentit sa quéquette se ratatiner au fond de son slip.
Foutu vertige ! Foutue soirée !
Il dressa l’inventaire de ses poches.
Quelques dollars froissés, un briquet-tempête, un paquet de clopes bien entamé, une poignée de bonbons,
son baladeur numérique et le ticket d’entrée du parc. Pas vraiment un équipement de survie.
Tant pis. À présent qu’il se trouvait dans cet abri tout relatif, il lui fallait garder son calme et tenir le coup. Les autorités allaient bien finir par être prévenues et les forces de l’ordre débarqueraient.
Ouais. ou alors, c’était partout pareil. Dans tout le comté, dans tout l’état, dans tout le pays, et peut-être bien dans le monde entier !
L’angoisse serra sa gorge d’un cran de plus.
Pour Halloween, en plus, quelle ironie !
Jake prit une cigarette dans son paquet, se la ficha au coin des lèvres et l’alluma.
La première bouffée lui fit tourner la tête. Merde, c’était une des clopes trafiquées de Chris, un joint
maquillé en cigarette manufacturée. Rusé comme un renard, ce Chris.
Il se sentit vaguement sourire, avant de coiffer son casque et de lancer une lecture aléatoire.
Le hasard voulut que ce soit Highway to hell.
Chanson de circonstances, non ?
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