(Fonction du pharaon).
L'Etat pharaonique plonge ses racines dans un lointain passé, celui d'un monde nilotique où magie et rites cimentent la cohésion sociale, où les rapports sociaux se fondaient sur les dons et les contre-dons, pour lesquels la ligne de partage entre fonction sociale et fonction économique est difficile à tracer. Pendant longtemps, cet Etat a été tributaire et largement imprégné des rites hérités du monde tribal lui ayant donné naissance ; il en a créé de nouveaux, plus adaptés à l'institution pharaonique. Car encore une fois ... "régner ne consiste pas à gouverner ni à donner des ordres, mais à garantir l'ordre du monde et de la société en observant les prescriptions rituelles" (Lucien Scubla). Mais dans quel but ? Dans un monde donné à tout jamais, lors de la Première Fois, l'événement nouveau, celui qui n'a pas été annoncé par le créateur, est dangereux. Il doit être conjuré. M. Augé écrit, à ce propos : "ce qui est en cause ..., ce n'est pas le temps comme tel, encore moins l'histoire, mais l'événement. Les sociétés traditionnelles ne nient pas l'histoire, mais elles essaient de conjurer la menace de l'événement." Plus précisément, de la conjurer rituellement.
p. 175
(Découvertes de fonds d'archives : les scribes)
On pourrait dire que ces hommes furent une exception mais d'autres trouvailles du même type, datant de toutes les époques, ont été faites. Car, à n'en pas douter, ces hommes aimaient les textes ; ils les conservaient avec soin et, lorsqu'une catastrophe se produisait, les restauraient. On lit ainsi, dans une lettre de la XX° dynastie : "Quand aux écrits sur lesquels le ciel a plu dans la maison du scribe Horsheri mon grand-père, tu les as sortis et nous avons constaté qu'ils n'avaient pas été effacés. Je t'ai dit 'Je vais les délier à nouveau' (certainement pour les faire sécher) 'et tu les as descendus, et nous les avons déposés dans la tombe d'Amennakht ... mon arrière-grand-père.'"
p.233
Pour en terminer avec ce dossier d'une rare complexité, on remarquera que cette reconstruction attribuée à Manéthon, mais qui est probablement due à différents copistes - dont Flavius Josèphe -, atteste le fait que, pour les intellectuels de ce temps, le personnage de Moïse était contemporain de Mérenptah. Le texte biblique quant à lui, s'il n'est pas explicite à ce propos, décrit néanmoins le travail pénible des Hébreux à Pi-Ramsès, ce qui permet d'établir une fourchette chronologique allant de Ramsès II à Siptah. Le fait que la chute de Troie soit également placée à cette époque par les fragments manéthoniens montre que furent croisées les chronologies grecques, hébraïques et égyptiennes, chacune apportant son lot d'événements "historiquement" attestés. Si la succession de rois égyptiens établie par Manéthon est bien prouvée, au-delà des difficultés ponctuelles ..., il n'en reste pas moins que, derrière les données mythologiques - guerre de Troie, telle qu'elle est rapportée par Homère, Moïse, l'Exode, etc -, il y a le grand mouvement de l'Histoire. .. Le fait que les chronographes juifs, grecs et égyptiens s'accordèrent pour placer ces événements à la fin de la XIX° dynastie, avec une grande cohérence historique, ne manque pas d'être fascinant.
Le palais royal n'avait rien de profane, le roi y siégeait comme Rê à l'horizon ; le palais pouvait d'ailleurs être désigné par le terme akhet, "horizon".
p. 182