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Critiques de Frédéric Vivas (2)
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Journal d'une lycéenne sous l'occupation Toul..

Ce document présente le témoignage d’Aline Dupuy, habitante du quartier Bonnefoy à Toulouse encore à ce jour, à travers le journal qu’elle a tenu de 1943 à 1945, de 16 à 18 ans, alors qu’elle était élève normalienne au Lycée Saint-Sernin de Toulouse.

Il est orchestré d’une manière chorale à trois voix : celle d’Aline lycéenne, celle d’Aline aujourd’hui (professeur à la retraite) qui fait une « relecture » sommaire de celui-ci, et enfin quelques lignes brèves de Frédéric Vivas, initiateur du projet, précisant le contexte historique de l’époque au niveau des faits marquants de guerre à Toulouse et dans la région.



La préface de Frédéric Vivas est très claire : le journal intime de la jeune Aline n’a rien de spectaculaire, ni dans les faits, ni dans la réflexion. Il s’agit avant tout de la relation du quotidien d’une adolescente de milieu modeste douée pour les études qui vit une période troublée de l’histoire, consciente d’être au cœur de faits exceptionnels, mais n’étant pas apte à l’époque de par son jeune âge et sa situation « commune » d’en saisir toutes les répercussions. Aline n’est pas juive, ne se sent jamais vraiment menacée, même au cœur des bombardements qu’elle subit avec une certaine inconscience. Personne autour d’elle ne participe activement au conflit, hormis une de ses professeurs, Madame Badiou, active dans la résistance, ce qu’Aline apprendra bien plus tard. Elle croisera « l’histoire avec un grand H » comme elle dit lorsqu’elle apercevra le Général de Gaulle au balcon du Capitole de Toulouse libérée.



L’intérêt du journal est donc essentiellement dans la narration spontanée d’un quotidien, au risque de la redondance et d’un peu d’ennui il est vrai pour le lecteur. Aline retranscrit ses notes scolaires, ses dépenses, la recherche de la nourriture, les pénuries, parle de ses copines de classe, de ses parents, sa grand-mère, mais malheureusement cela se fait toujours en très peu de lignes, parfois dans un style proprement télégraphique.



Aline Dupuy dans sa relecture n’approfondit pas vraiment son témoignage : elle s’étonne de la futilité de la jeune fille qu’elle était (avec sévérité), éclaire parfois tel ou tel propos ou précise le destin d’un tel ou d’une telle… mais trop rarement à mon goût on ne perçoit vraiment le caractère de cette adolescente. Ainsi, on ne sait rien de ses états d’âme, de ses relations avec ses parents, si elle éprouve des émois amoureux, ses goûts même… Elle parle peu de la vie culturelle du moment, évoque toutefois le film « La symphonie fantastique » avec Jean-Louis Barrault qu’elle avait vu plusieurs fois, quelques matinées au Capitole avec le lycée pour entendre des lectures d’auteur par des acteurs en vue de l’époque, et surtout sa découverte de Montaigne, la passion littéraire de toute une vie. Les auteurs expliquent la rareté des faits personnels par une volonté de discrétion de la part d’Aline, encore aujourd’hui, qui ne veut pas parler de sa vie privée, mais du coup cela tend à dépersonnaliser le propos, ce qui est vraiment dommage. Aline avance également le fait qu’à l’époque du régime de Vichy il était déconseillé d’avoir une « pensée défaitiste » et qu’elle s’est peut-être retenue.



Si l’on ressent donc une certaine frustration à la lecture de ce document dont on devine qu’il aurait pu être plus riche, restent malgré tout de nombreuses sources d’intérêt.

Avec évidence, et particulièrement pour moi, habitante de Toulouse, sentir grâce au journal l’atmosphère des rues et des quartiers de Toulouse de l’époque est passionnant. Habitante du quartier Bonnefoy, près de la gare Matabiau, puisque son père est cheminot, Aline se déplace en tramway mais avec le durcissement des conditions de vie le plus souvent à pied. Petit à petit, lorsque l’on commence à manquer de tout, y compris d’eau et d’électricité, que les bombardements se font plus fréquents, visant l’usine Latécoère ou la poudrerie (future AZF), les toulousains qui le peuvent quittent la ville pour se réfugier dans les campagnes alentours. Aline et ses parents restent à Toulouse, mais à l’approche de la libération de Toulouse, elle voit sa classe se désertifier, et elle passera ses examens de fin d’année avec seulement trois de ses camarades.



Aline s’adapte aux conditions précaires (le froid, la faim, la peur aussi parfois) de manière assez fataliste. Le moindre déplacement subit des heures de retard et cela épuise tout le monde. Certaines de ses camarades décèdent suite au froid, mais Aline ainsi que ses camarades ne s’en étonnent guère, souffrant elles aussi d’engelures, de fièvre, et de manque de soin. La jeune fille ne sait pas vraiment ce qui se passe, n’a aucune conscience par exemple du danger encouru par une camarade juive, ni des petits ilots de résistance dont elle est entourée. Ses préoccupations, tout à fait légitimes, sont essentiellement de trouver des produits d’hygiène, de faire des progrès en sport, et de réussir ses examens. Elle évoque brièvement son évolution religieuse : catholique, elle est très vite attirée par le protestantisme pour perdre définitivement la foi lorsqu’elle apprendra le massacre de la population civile réfugiée dans l’église d’Oradour-sur-Glane. La « non intervention » de Dieu signera la rupture.



Aujourd’hui, Aline se dit proche de l’athéisme défendu par Michel Onfray, un philosophe qu’elle apprécie particulièrement. Par ailleurs, elle défend l’idée d’une école et d’une république laïques avec une belle conviction.



Pour parler plus personnellement de ma lecture, j’ai aussi appris des choses intéressantes sur la vie de l’époque de mon quartier actuel de Croix-Daurade, voisin de Bonnefoy, mais aussi j’ai été troublée et émue, et même je dois l’avouer un peu honteuse, de réaliser que j’arpente des rues portant des noms qui me sont familiers depuis des années sans savoir qui sont ceux qui les portent : les frères Lion, imprimeurs, qui faisaient des faux papiers et des faux tampons, Raymond Naves, Gabriel Peri, Silvo Trentin, pour ne citer qu’eux, des hommes (et des femmes) qui ont été fusillés pour actes de résistance dans la ville. J’ignorais les destins de ces personnes, et désormais je ne dirai plus que je passe par la rue Raymond Naves qui m’est si familière sans un petit frisson reconnaissant et admiratif.

Finalement, ce journal d’une lycéenne est une bonne idée d’édition, malgré les petites frustrations qu’engendre sa lecture. Elle montre la vie ordinaire qui a été celle de la majorité des toulousains sous l’occupation.

J’aimerais bien qu’Aline, en voisine, vienne en parler dans ma bibliothèque de Croix-Daurade. Mais je crois qu’elle n’y tient pas, toujours par discrétion.

Alors c'est ici que je la remercie.

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