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Citation de enkidu_


La conception moderne de l’art est fausse dans la mesure où elle substitue l’imagination créatrice – ou même simplement le parti pris de créer – à la forme qualitative, ou la valeur subjective et conjecturale à la valeur objective et spirituelle ; c’est remplacer le savoir et le métier, qui entrent pourtant dans la définition même de l’art, par le seul talent, réel ou illusoire, comme si celui-ci avait un sens quelconque en dehors des constances normatives qui sont ses critères.

Il est trop évident que l’originalité n’a de sens que par son contenu, exactement comme c’est le cas pour la sincérité ; l’originalité d’une erreur – ou le talent d’un individu incompétent ou subversif – ne saurait présenter le moindre intérêt, et mieux vaut une copie bien faite d’un bon modèle qu’une création originale qui est la manifestation « sincère » d’un « mauvais génie ».

Quand tout le monde veut créer et que personne ne veut copier, quand toute œuvre veut être unique au lieu de s’insérer dans une continuité traditionnelle qui lui donne sa sève et dont elle est éventuellement l’un des plus beaux fleurons, – il ne reste plus à l’homme qu’à crier son néant à la face du monde ; ce néant sera synonyme d’originalité, bien entendu, car le minimum de tradition ou de normes représentera le maximum de talent.

Dans le même ordre d’idées, relevons le préjugé qui veut qu’un artiste « se renouvelle », comme si la vie humaine n’était pas trop courte pour justifier cette exigence, ou comme si les artistes n’étaient pas assez nombreux pour rendre superflu le « renouvellement » de chacun ; on ne souffre pourtant pas du fait que l’homme ne change pas tous les jours de tête, et on n’attend pas de l’art persan qu’il se transmue d’un jour à l’autre en art polynésien.

L’erreur de la thèse de « l’art pour l’art » revient en somme à prétendre qu’il est des relativités ayant leur raison suffisante en elles-mêmes, dans leur propre caractère relatif, et par conséquent, qu’il est des critères de valeur inaccessibles à l’intelligence pure et étrangers à la vérité objective ; c’est l’abolition de la primauté de l’esprit, la substitution à l’esprit de l’instinct ou du goût, donc du subjectif et de l’arbitraire. (pp. 83-84)
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