On ne saurait contester que la philosophie, comme toute science, ait pour but la certitude ; mais, tandis que la science pure n'a pas d'autre ambition que d'établir entre les phénomènes des rapports de causalité invariable, la philosophie tend à prendre du réel une connaissance qui dépasse le domaine des relations phénoménales et découvre l'essence des choses telles qu'elles sont en soi : la certitude qu'elle exige est la certitude d'une vérité absolue ou inconditionnée. Or toute certitude repose en dernière analyse sur une vérité évidente par elle-même ; car, s'il fallait poursuivre à l'infini la chaîne des raisons et des conséquences, l'esprit ne parviendrait jamais à une connaissance qui soit vraie sans condition, absolument.
Si l'essence des choses est inaccessible au pur empirisme, si cette Réalité éternelle et infinie, contre laquelle la Science vient pour ainsi dire se heurter chaque fois qu'elle touche à ses limites, échappe constamment à toute tentative de la saisir par la voie de l'expérience, il ne reste plus à l'esprit, semble-t-il, qu'à se placer d'emblée et comme par un acte d'autorité dans le domaine du supra-sensible pour en déterminer à priori tout le contenu et en développer déductivement toutes les conséquences.