L’pauv’ mond’ sait d’avanc’ c’qu’y va dire —
Et pis, à causer ou à rire,
J’réveillerions l'cochon qui dort.
Mais j’nous comprenons, j’ons d’astuce ;
Et quand j’avons assez d’causer,
Pour s’être utile et s’amuser,
Patounne et moue j’charchons nos puces !
Elle nous apprit du joli ! À Machecoul, devant chaque porte, croupisssait une flaque de sang ! M. Descouvé, le drapier, percé tout à vif à coups de lardoire, sa femme fichue dans un feu ! Le juge de paix, les gars l’avaient pendu, et aussi le maître de poste, à qui je vendais des œufs ! Et quantité d’autres bourgeois, sans compter le nouveau curé républicain, saigné comme un porc au mitant de l’escalier du clocher, où il se tenait caché, accroupi d’épouvante ! La plupart des maisons flambaient toujours, les tueries continuaient de plus belle : on prenait à peine le soin d’enterrer les morts».
Mon p’pa m’a dit : « J’seus qu’un pésan,
Et du pus loin que j’me rappelle,
Ma pauver’ vie a passé telle
Comme a s’passe encore à présent.
Mais la misèr’, vois-tu, j’la brave.
Si t’as quéqu’ semenc’ de raison,
Faudra r’garder dans ta maison,
Pas au guernier, mais à la cave.
Si tu n’as, pour te graisser l’bec,
Qu’eun’ mich’ dure avec du lard rance,
Tu dev’ras t’dir’ : « J’ai ben d’la chance,
Mon voisin Claud’ mang’ son pain sec !
Pour t’couvri’ t’as qu’ta limousine :
Faut pas qu’un mantiau t’doun’ du regret.
T’as point d’chandell’ : brul’ ta résine.
Prends ta part sans vouèr la voisine,
Tout dret ! »