Gabrielle — un prénom pas très "cool", selon ses élèves — raconte ses années d'enseignement en collège difficile, d'abord dans l'académie de Créteil, puis à Paris, où tout n'est pas forcément plus rose. Le style est clair, fluide et les courts chapitres — tranches de vie de classe, anecdotes — s'enchaînent avec rapidité comme autant de coups de rasoir, lacérant l'image idyllique de l'enseignement que nous présente l'institution.
Il y a l'inaction du rectorat, qui envoie au casse-pipe des profs sans expérience, dont la moitié ne tiendront pas l'année. Le silence des stagiaires, muselés par la menace de ne pas être titularisés s'ils font des vagues. L'hypocrisie des examinateurs, telle cette inspectrice qui l'accuse d'être à l'origine du comportement violent des élèves : "vous parlez trop, ça les énerve. Vous bougez trop, ça les excite." Tout contribue à donner l'impression que le problème, ce n'est pas les élèves, c'est les profs. Même les familles semblent le penser.
Dans ces conditions, comment gérer des classes où l'on trouve au moins un "psychopathe", comme l'avoue sans complexe la direction ? Et que dire de tous les autres : Mamadou, Rachid, Jordan, Fanta, Coulibaly, Salima, Ludovic... Chaque établissement difficile a son lot d'élèves drogués, dérangés, violents, alcoolisés, incultes, en foyer, sans papiers, démissionnaires, traumatisés, harcelés, ou juste paumés et prêts à décrocher.
C'est un choc brutal pour le professeur stagiaire, qui passe sans transition du cocon de ses études à un environnement de violences et brimades quotidiennes. Dans ce nouvel univers, l'élève est à l'aise et l'adulte désemparé. A trente contre un, la lutte est inégale. Alors il faut ruser, ne jamais s'énerver, réclamer le silence sans crier, et laisser passer les mois pour amadouer les élèves. Dans l'espoir de faire une petite différence, et de réconcilier certains de ces élèves réfractaires avec l'école.
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