Pourquoi un petit gars de l'Aude s'est-il intéressé à ce point à l'Algérie ?
Né pendant la première guerre mondiale (1915) dans un département peu riche, il a cependant la chance d'appartenir à une famille de propriétaires. De ce fait, il pourra ainsi poursuivre des études et entrer, en 1933, à l'Ecole Normale afin de se préparer à devenir instituteur. Cependant, tout n'est pas idyllique... Cette période est troublée par une grosse crise économique induisant la montée du chômage et, presque inévitablement, de la violence.
Gaston Revel est profondément pacifiste. Pour autant, cela ne l'empêche en aucun cas d'être lucide sur l'imminence d'un conflit. Après avoir obtenu un bref sursis, il est déclaré bon pour le service armé. Le Front Populaire l'attire et il en fera cas dans une correspondance avec celui qui restera un ami jusqu'à sa mort, Jean Mezei. Il croit au dialogue international, vecteur de paix et de fraternité, et il va même jusqu'à s'intéresser à l'Esperanto. Idéal, quand tu nous tiens...
Le Brevet supérieur en poche, il part à Alger. Il rejoint une section spéciale de l'Ecole Normale afin de suivre une préparation à l'enseignement des indigènes. Était-ce par désir de voir du pays ou par imprégnation de l'idée coloniale ? Peu importe. Le fait est que cela va bouleverser sa vie. Il continue à garder un œil sur les différents événements politiques se déroulant en Europe et poursuit ses idéaux : l'école, pour lui, est un facteur d'assimilation et il entend bien éduquer les indigènes. Il en fait part à Jean Mezei. Ses lettres ressemblent légèrement à celles de Rica et Usbek dans les Lettres Persanes de Montesquieu. Non pas qu'il soit ironique ou critique, mais son regard est presque naïf. Gaston découvre une nouvelle culture et, surtout, se rend compte à ce moment-là que "le milieu indigène " ne s'ouvre pas à lui comme il le voudrait.
En 1937, il est à Paris pour son service militaire et ce, jusqu'à 1939. Ses idées politiques se renforcent et se précisent de plus en plus. Il se met à l'écart de la SFIO et approche le communisme. Lorsque la guerre est déclarée, son bataillon part en Moselle. à Bitche. Il redoutait cet instant. Cependant, lorsque Pétain demande la cessation des hostilités en 1940, il est démobilisé. Il retourne alors en Algérie faire sa première rentrée des classes. Locaux vétustes, grande misère, état sanitaire catastrophique, voilà ce qui va le marquer. On est loin de l'Ecole Normale et de ses beaux discours... C'est un véritable choc pour le jeune homme.
Je n'en raconte pas plus, il ne faudrait pas tout déflorer. Ceci dit, on peut dire que l'on a affaire ici à quelqu'un qui restera "droit dans ses bottes".
Très agréable à lire, ce livre associe les notes d'Alexis Sempé, ô combien précieuses pour la compréhension (et quel travail ! ), les lettres de Gaston Revel ainsi que ses photos. Véritable documentaire - j'irais presque jusqu'à dire reportage - il permet de s'immiscer dans une période, dans un pays et de voir qu'il existait tout de même des gens pour qui l'être humain comptait en ces temps troublés. Ce n'est pas pour rien si l'Algérie se souvient encore de Gaston Revel.
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