La solitude d'une jeunesse privée de sympathies intellectuelles, l'immensité et la plainte incessante de la mer, le calme splendide de nos nuits, les rêves d'un coeur gonflé de tendresses, forcément silencieuses, ont fait croire longtemps que j'étais indifférent, même aux émotions que tous ont plus ou moins ressenties, quand, au contraire, j'étouffais du besoin de me répandre en larmes passionnées. J'en ai versé, plus tard, en sachant par moi-même que les femmes nous plaignent volontiers des peines que d'autres nous font endurer et jouissent de celles qu'elles-mêmes nous infligent.
La nature, à laquelle il est livré complètement, car la vie, dans l'île, est libre et sans les contraintes déformatrices que la société et la civilisation imposent à l'homme dans les vieilles nations, la nature, dans laquelle il se plonge comme en un second sein maternel, lui infuse ses essentielles vérités. Il en prend une vision superbe, il s'émeut de ses magnifiques apparences et elle-même l'avertit de la prédominance de ses forces sur les faibles et minuscules humains.