Il affiche constamment un air suffisant avec son sourire en coin qui veut dire « Toi un jour, tu m’appartiendras… ». Mais Mr Mystère est mal tombé avec moi ! D’une part, je n’ai aucun intérêt pour les relations amoureuses et d’autre part, le sexe pour le sexe me laisse totalement indifférente… Pire, je ne comprends pas que l’on puisse se donner à quelqu’un sans ressentir un quelconque sentiment pour lui. Je ne suis ni prude, ni une vierge effarouchée, mais toutes mes relations sexuelles ont été faites lorsque j’étais en couple et que j’aimais mon partenaire. Jamais je n’ai eu la moindre relation hors couple ! J’ai toujours aimé les hommes avec qui j’ai couché et je peux les compter sur les doigts d’une main. Je respecte trop mon corps pour l’offrir à des inconnus !
Il ne m’inspire aucune confiance, mais en dépit de cela, mon corps bouillonne à chaque fois que je le croise… Moi, Coline Maninge, je frémis pour cet homme. C’est la meilleure ! Je ne connais rien de lui et probablement que j’ai tout inventé, peut-être que c’est un homme tout à fait ordinaire avec une vie banale et bien rangée… Pourtant, mon instinct me crie que non. Si je me laissais aller à mes fantasmes, mon corps lui appartiendrait sans aucune retenue, au moins pour une nuit… Juste une ! Cela signifierait que je déroge à ma règle principale, ne jamais avoir de coup d’un soir.
En réalité, c’est son regard qui me reste en mémoire… Il est aussi hypnotique et dangereux que peut l’être une barre chocolatée pour une femme au régime. Autant me le sortir de la tête immédiatement, jamais ô grand jamais il n’obtiendra ce que son corps me hurle à chaque fois que l’on se croise, et heureusement pour moi !
Seulement, c’est plus facile à dire qu’à faire.
Mes pensées vagabondent, elles filent à travers l’espace et imaginent ce que pourrait donner une nuit entre les mains expertes de ce mystérieux résident de la chambre 3010. Elles me laissent entrevoir deux corps en sueur donnant l’un à l’autre autant qu’ils prennent. Je peux facilement me voir à quatre pattes, les bras tendus devant moi, mains à plat sur le sol et les reins cambrés exagérément vers N… Je suis à même d’envisager mon Maître jouer avec un martinet, faisant glisser lascivement les lianes de cuir sur mon corps en feu. Je le vois le lever et l’abattre sur mes fesses, prendre une tapette en croûte de cuir et m’en mettre un coup. J’imagine la douceur de sa caresse, flattant ma croupe, me félicitant d’être une bonne soumise. Je peux anticiper la grosseur de sa queue dans ma bouche, le jet puissant et chaud de son liquide courant dans ma gorge… À ces pensées, mon corps s’embrase et mes joues rougissent.
En me redressant, je jette un dernier regard à cette chambre, qui, demain, deviendra le lieu de toutes les débauches. L’endroit qui me fera découvrir les facettes enfouies de ma sexualité. Lorsque je pars et appuie sur le bouton de l’ascenseur, je sens un courant électrique parcourir mon corps. Je ne me retourne pas, je ne le veux pas… Je ne peux pas ! J’entre dans la cabine et, dans le miroir qui me fait face, je vois son dos disparaître dans l’entrebâillement de sa porte. J’en étais sûre ! N. dans toute sa splendeur… Aussi chaud que la lave d’un volcan et paradoxalement aussi froid qu’un iceberg !
Nettoyer les saletés des autres, voir à quel point, quand ils ne sont pas chez eux, les gens n’ont aucun respect pour les règles d’hygiène élémentaire. En parallèle, je passe mon diplôme pour avoir, je l’espère, l’agrégation en tant que professeur des écoles. Travailler avec des enfants, quoi de plus inspirant pour un jeune écrivain ? Ils débordent toujours d’énergie et ne manquent jamais d’idées et d’imagination. Toujours est-il que pour pouvoir continuer ces études et payer mes factures, je nettoie encore et toujours…
Je ne sais rien de lui, comme lui ne connaît rien de moi. Et pourtant je dois lui faire confiance les yeux fermés ? Je ne suis pas le genre de fille qui se jette sans crainte dans ce genre de relation… D’ailleurs est-ce une véritable relation ? Il s’agit surtout d’un lien Dominant/soumise. Rien de transcendant selon moi. Ce monde m’est totalement inconnu et il m’effraie. J’aimerais surtout que Monsieur Mystère m’explique les bases, me montre que tout n’est pas que douleur dans ce système.
J’ouvre ma sexualité, j’offre mon corps à un homme que je ne connais pas et cela ne m’effraie pas, bien au contraire. Je redoute simplement nos retrouvailles. Je me demande comment cela va se passer, comment les choses vont se dérouler ? Est-ce qu’il va me mettre à l’aise avant de passer à l’action, ou va-t-il tout simplement m’ordonner pour que j’exécute ? Son message disait que la douceur serait de mise, mais dans son monde, qu’est-ce que la douceur ?
Ce n’est pas de la peur que je ressens, mais cela s’en approche, pourtant ce n’est pas le terme adéquat. Je dirais surtout qu’il m’est autant antipathique qu’il ne m’inspire aucune confiance. Paradoxalement et aussi étrange que cela puisse paraître, cela m’attire. Cette dangerosité, ce mystère autour de lui, cette chambre qu’il occupe, cette sérénité qu’il affiche en même temps que son arrogance certaine… Tout, m’attire comme un aimant…
Je travaille comme une acharnée pour avoir la vie dont j’ai toujours rêvé : devenir auteure connue et reconnue de tous. Seulement, jusqu’à maintenant, je me contente de venir ici tous les jours de sept heures à treize heures. Nettoyer les saletés des autres, voir à quel point, quand ils ne sont pas chez eux, les gens n’ont aucun respect pour les règles d’hygiène élémentaire.