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Citations et extraits (6) Ajouter une citation
La conversation ne se soutenait guère qu'entre nous deux et l'amiral.
Comme je prévoyais bien qu'avec son impressionnabilité excessive, il avait beaucoup aimé, je lui demandai un soir :
- Amiral, quelles sont vos opinions sur les femmes ? Y'a-t-il selon vous, moyen de classer leur beauté ?
Il parut se recueillir un moment, puis enfin, d'un ton brusque :
- Ah ! Cher ami, je n'aime pas causer de ça. J'ai l'air de plaisanter, si je dis réellement ce que je pense.
- Allez toujours! Vous savez bien que j'ai confiance en vous; vous êtes de ceux qui savent.
- Eh bien, fit-il avec une moue à lui, je n'aime que les négresses !
- Les négresses !
- Vous voyez bien ! J'étais sûr que vous vous récrieriez. Malgré vous, vous avez encore des préjugés.
Il y eut une pause.
Un de ses yeux louvoyait du côté de Rio de Janeiro; l'autre..., l'autre était fermé.
Il reprit :
- Mes enfants, du jour où j'ai aimé ma première négresse, tout le reste m'a paru de la panade !
À ce moment, M. Lou, qui commençait à se dérider, grâce au porto, s'écria tout à coup :
- C'est charmant ! C'est charmant !
L'amiral, comme surpris par une fausse note, tourna la prunelle droite sur lui, l'autre sur la rade de Brest.
- Dieu me pardonne ! murmura--il, je crois que le mandarin est en ribote !
Puis il continua pour moi :
- J'en suis sûr, ni Praxitèle, ni Titien, ni Corrège, ni Buonarotti, ni Prudhon, ne me démentiraient. Les Vénus marmoréennes que nous admirons tant ne sont que des beautés relatives, à côté des Vénus noires. Les bayadères ambrées du Gange, les Géorgiennes aux yeux infinis sont certainement des idéals inoubliables; eh bien, les Indiennes du Brésil sont l'idéal des idéals. La question de couleur est purement conventionnelle. Ton pour ton, le noir vaut le blanc; ils sont aussi expressifs l'un que l'autre; ils ont leurs reflets, leurs nuances, leurs demi-teintes, leur vie. Considérez, de plus, que nos Vénus grecques réunissent plusieurs modèles; l'un a posé pour la tête, un autre pour la nuque, un autre pour les mains, ou les seins ou les genoux. Les races caucasiennes sont tellement mêlées, d'une façon souvent maladroite, sans souci des sélections, qu'une beauté complète devient introuvable. Parmi les noires, au contraire, les lignes pures primitives persistent encore sans mélange de laideurs étrangères.
Une fois, à Rio, une esclave, que je n'avais pas encore aperçue dans ma maison, entre à l'improviste, pour un détail bien futile, - pour m'apporter des cigares. Elle m'apparut comme une déesse, littéralement, et, vous l'avouerai-je, je me jetai à genoux devant elle, involontairement fasciné; je me sentais comme une vague prière et un sentiment d'adoration me traverser l'âme.
Elle avait à peine douze ou treize ans, elle ne portait rien sur les épaules, pas même un pagne de mousseline. Eh bien, que les gens grossiers, exclusivement sensuels, en doutent tant qu'ils veulent, moi, je ne sais rien de plus pudique que la nudité inconsciente d'une enfant. La pudeur ne consiste pas dans les vêtements placés plus ou moins haut; elle est intime. Ce n'est que par dépravation que nous avons imaginé des parties décentes et des parties indécentes. La Vénus de Médicis n'a même pas une paire de guêtres; elle n'est pas impudique. C'est vous qui l'êtes, si vous rougissez devant elle, ou si vous lui mettez une feuille de vigne en zinc...
Un de mes lieutenants qui se trouvait avec moi, un garçon véhément à l'excès, la considérait aussi comme pétrifié. La pauvre fille ne savait quelle contenance tenir devant nos yeux braqués sur elle. Figurez-vous une gazelle effarée, prise au piège. Ah ! Comme sa pudeur la défendait en la rêvétant d'une cuirasse magique, plus inviolable que celle d'Armide.
Enfin, je la renvoyai brutalement, après une demi-minute peut-être, qui me parut un siècle. J'avais peur de devenir fou. Au moment où elle disparaissait sous la tenture, mon lieutenant prit un révolver sur la table en bégayant d'une voix altérée que j'ai encore présente :
"Amiral ! C'est fini; je ne veux plus rien voir. Vous direz adieu à ma mère..."
Et il se fit sauter la cervelle devant moi.
- Hi, hi, hi, fit bêtement le mandarin, car son sourire s'allongeait de plus en plus.
- C'est une des plus poignantes émotions de ma vie, continua gravement l'amiral. J'en ai eu pourtant de rudes...
Il se promena quelques instants plongé dans ses réflexions, puis, comme pour les secouer, il s'écria tout à coup :
- Ah ! Que c'est embêtant d'être si impressionnable !
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Tous les peuples ont leur défaut capital, leur maladie endémique.
Nous, c'est la vanité devenue proverbiale. Les Belges, c'est la fausseté.
Ils sont tous plus ou moins jésuites et menteurs. Pour la rouerie, la défiance, l'ingratitude, et comme maîtres exploiteurs des autres, ils égalent déjà les Allemands. Oh ! Le désintéressement de leurs aïeux, ils ne s'en souviennent plus guère !
À la gare d'Alost, le buvetier était un radical à tous poils.
Rien qu'à voir ses yeux sournois, d'un éclat cannibalesque, vous sentiez tout de suite qu'il avait un projet de gouvernement dans la tête, pour sauver l'humanité, lequel projet consistait à l'élire souverain du royaume.
Sa barbe inculte et rude, rousse du roux des renards, s'en allait tout de travers comme ses idées. Au demeurant, ses mains velues étaient aussi sales que ses opinions, car des plaques de crasse apparaissaient entre les jointures, même à la distance convenable de dix pas.
Après Dieu, le savon était son plus irréconciliable ennemi.
Dans sa joie d'embêter un prêtre, il lanternait, exprès, pour lui changer sa monnaie.
Bref, le train démarra.
Ah ! Ah ! Victoire ! Le buvetier ricanait avec insolence; ses grosses canines de Barbe-Bleue lui relevaient la lèvre d'un côté; il avait l'air de les aiguiser voluptueusement pour dévorer le chanoine, à la sauce Robert.
Le pauvre chanoine ! Il criait :
- Attendez-moi ! Attendez-moi ! Au nom du ciel !... en agitant son parasol avec des gestes lamentables.
Par chance, le mécanicien l'aperçut. Il était clérical. Il prit sur lui de s'arrêter au risque de recevoir son congé de l'inspecteur, peut-être un républicain indépendant, qui sait ?
Toujours est-il que le révérend put monter à la hâte sur un wagon découvert, chargé de houille, et à la station suivante, il revint à sa place.
Il n'avait pas l'air content, parbleu ! Cependant, il se mit de suite à parcourir son bréviaire pour apaiser son ressentiment.
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Vous savez qu'on rencontre souvent dans les gares les indigents du pays, ou quelque pauvre estropié à qui les employés permettent de quêter sur la voie. L'aubaine est généralement bonne, car en voyage on donne assez volontiers.
Le mendiant de Bruges était un garçon sans âge, au teint livide, couleur de son, d'une maigreur que sa nourriture expliquait cruellement.
Il avalait à tous les trains une moyenne de dix à douze cailloux de la grosseur de vos deux pouces à la fois.
Les sujets qui possèdent des gosiers si excentriques se reconnaissent aisément à première vue. Ils sont toujours hébétés, sinon entièrement abrutis; facilement ventriloques; d'une gaieté attristante. Leurs yeux ternes lancent parfois des éclairs qui vous donnent des commotions comme les décharges d'une pile, avec des expressions de rouerie et goguenardise inexprimables. Les mains sont émaciées, les chairs flasques, les poils fauves et ténus. Ils vous déconcertent par des mouvements d'une agilité simienne, qui contrastent avec leurs airs paresseux. Leurs mauvais instincts priment tous les autres. Au reste, pas l'ombre de sens moral.
Selon sa coutume quotidienne, le misérable fit sa collecte.
Il se planta devant nous en étalant une poignée de cailloux roulés, sur un morceau de faïence, et avec son pauvre rire malade, il nous parlait de les avaler moyennant dix centimes pièce.
M. Bittermeineliebe accepta la gageure.
Cependant, grâce au mouvement qu'il fit pour s'appuyer sur la portière afin d'assister plus commodément à l'exécution, l'idiot aperçut la belle montre qui gonflait le gilet à carreaux.
Une lueur passa dans ses yeux pâles.
Avec l'ingénuité d'une carmélite novice, il demanda quelle heure il était.
Le Poméranien, enchanté de montrer sa pièce de précision, la fit immédiatement tinter. L'autre, toujours candide, l'enleva prestement; il se mit à la baiser avec des murmures d'extase, puis tout à coup, il s'écria qu'il voulait la goûter. Là-dessus, il se caressait le cou, comme un gourmet qui déguste un plat savoureux.
Mein herr, de plus en plus ravi d'être admiré si publiquement dans son bijou, riait à verse.
Du reste, il n'éprouvait aucune inquiétude, la montre ayant la grandeur d'une bassinoire; - je parle d'une bassinoire d'or pour un lit de princesse; pas du tout de celle d'un épicier, ça va sans dire.
Attention !
Le pitre ouvre la gueule; - c'est le mot, il pose la montre bien à plat sur sa langue, à la manière d'un pain sur une pelle.
Une !... Deux ! ... Plus rien !
Il faut convenir que le passage présenta quelques difficultés devant la pomme d'Adam, car les paupières et les muscles du cou se contractaient violemment; le blanc des yeux s'injectait de rouge; toutefois, le client ne perdait pas la tête.
Je n'oublierai jamais la grimace du Poméranien; il devint livide, puis vert; puis il sauta sur l'avaleur pour retirer sa montre par la queue.
L'autre, qui se méfiait, fit une cabriole, si bien que le contre-coup enfonça la montre en lieu sûr, avec la trotteuse, le quantième, la sonnerie et le remontoir à la Bréguet.
À la fin, il n'y parut pas plus que s'il avait avalé une praline; au contraire, il semblait tout dispos, prêt à recommencer.
Comme vous pensez bien, le Poméranien trouva le tour mauvais; il fit une querelle d'Allemand à tout casser, réclamant sa montre de suite.
Le mendiant, devenu impertinent tout à coup, de l'impertinence d'un parvenu qui se sent de l'or dans le gousset, lui répliquait, d'une voix goguenarde, de patienter au moins jusqu'au lendemain matin, et qu'il lui payerait la goutte.
En désespoir de cause, M. Gustave courut se plaindre au commissaire de police.
Celui-ci prit sa déposition, n'ayant rien d'autre à prendre. Cependant, il ne laissa pas de lui en montrer l'inutilité. Le même cas s'était présenté plusieurs fois déjà, sans même que les bijoux reparussent. Tant pis pour les voyageurs, ma foi ! Il ajouta, en guise de consolation, que l'horloge de Bruges était d'une exactitude solaire, et que mein herr n'avait qu'à y venir pour savoir l'heure.
En résumé, il promit de renvoyer la montre à Blankenberghe, ou, dans tout cas, les débris qui s'en découvriraient.
Là-dessus, grâce à son épouse qui lui fit remarquer judicieusement que la montre n'avait rien coûté, M. Bittermeineliebe consentit à laisser le commissaire tranquille et à continuer son voyage.
Pour en finir avec cet épisode, je dirai, par anticipation, que quelques jours après, nous reçûmes, par l'entremise du bourgmestre de Brankenberghe, un porte-mousqueton de montre en laiton, accompagné d'une lettre du commissaire.
Elle expliquait, avec des commentaires de huit pages, que tout le reste avait été dissous et entraîné par la circulation.
Devant un rapport officiel, il n'y a pas à douter.
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La manie de se croire la science infuse ne se rencontre qu'en France à un tel degré. Il n'y a que parmi ces grands enfants si crédules que le premier faquin venu ose s'improviser législateur ou diplomate, c'est-à-dire se jeter, imperturbable, dans les carrières qui exigent le plus de tact, d'expérience, de pénétration, de connaissances multiples. Le sens politique surtout leur manque. Cependant, par une dérision baroque, la politique les affole comme un délire contagieux. Leur vie ne pivote plus que sur elle. Ils ramènent n'importe quoi à des questions de cocarde ou de coterie. Les artistes eux-mêmes doivent s'aplatir devant ses caprices, sous peine de mourir à l'hôpital. Du reste, elle les parque cavalièrement à la même enseigne que les filles de joie : la prostitution, - celle de la conscience au lieu de l'autre.
Ce serait risible, si ce n'était pitoyable.
Aussi, pour la plupart des politiqueurs, la politique se borne-t-elle à déplacer les pouvoirs, à mettre les queues à la tête, puis les têtes à la queue. Par la même occasion, elle se borne aussi à puiser dans les caisses publiques, à briguer des honneurs, des influences, des traitements énormes, des habits chamarrés, sans se soucier de la patrie plus que d'un navet moisi.
Au lieu d'être entretenus par une fille, ces admirables rénovateurs s'engraissent aux frais d'une foule. Leur sens moral s'en accommode.
Ça explique la fragilité des convictions républicaines des Français. La république leur va comme une bague à un ouistiti. C'est si vrai qu'ils sont obligés d'écrire les devises de leur république sur leurs portes, ne pouvant les retenir dans leur mémoire.
Bref, ils n'aiment la république que comme une chance de devenir despotes. Il n'y aurait de possible pour eux qu'une république de présidents, et encore ! Toutefois, comme ils se grisent si bénévolement des acclamations qu'ils poussent, ils finissent par prendre les masques pour les figures. Avec le faux nez d'un Grec, ils se croient des Solon, - au désintéressement près. De même que ceux qui ne saluent pas les enterrements se donnent, sans sourciller, pour des cousins de Voltaire.
Il va sans dire que les paillasses qui amadouent les badauds avec les fallacieuses promesses de nivellement, sont ceux qui se démènent le plus pour les dépasser. Après tout, nous visons tous à l'inégalité; par conséquent, rien de plus légitime. Ce qui l'est moins, c'est de monter sur le dos des autres et de croquer les meilleurs morceaux avec des airs de martyrs.
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Cependant, les Allemands, étant le plus prolifique des peuples modernes, suivront une progression d'autant plus croissante que leurs migrations ne discontinuent pas. Bientôt, ils excèderont la population indigène.
Ils nous arrivera avec eux ce qui nous est déjà arrivé avec les rats, ou, pour préciser, les surmulots.
Au milieu du XVIIIème siècle, nous n'avions, comme toutes les grandes cités, que quelques rats noirs, revenus d'Asie avec les Croisés, jadis, sous Saint-Louis; d'estimables bêtes d'une modération exemplaire, car elles ne mangeaient que pour vivre et elle n'avaient des enfants qu'une fois par an, une dizaine à la fois, pas plus.
Tout à coup, un navire ramène des surmulots de Perse en Angleterre, puis d'Angleterre en France.
En quelques années, ils accaparent la place des pauvres noirs, qu'ils détruisent. Bref, aujourd'hui, ils ne sont pas seulement des légions innombrables, ils sont, encore, invincibles.
Notez qu'ils vivent pour manger, qu'ils mangent de tout, comme les Allemands, et qu'ils ont des enfants deux fois par an au moins, de douze à dix-huit par portée. Un grand-père surmulot, âgé de quinze mois, peut déjà voir une file de plus de six cent moutards venir lui souhaiter la bonne année; - car il parait qu'ils mènent une vie quasi-patriarcale.
L'influence climatérique les favorise au point que ceux de Paris acquièrent bientôt un volume double de ceux de province.
Qui sait s'ils ne deviendront pas gros comme des chameaux, assez pour manger les Allemands, à moins que ceux-ci les mangent ?
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Pendant que j'y suis, je désirerais bien aider à renverser une autre bourde.
Les Parisiens, surtout, dans leur vanité incommensurable qui n'a d'égale que leur niaiserie, en sont encore à plaisanter les brumes de Londres, persuadés que tous ses habitants sont tristes comme des bonnets de coton.
Ils ont pourtant inventé l'Humour, une des plus jolies manières d'avoir de l'esprit.
Pour moi, je ne sais rien de plus grâcieusement gai que la gaieté des miss aux yeux bleus de ciel ou noisettes.
Du reste, si les Anglais ne devaient pas rires, pourquoi auraient-ils leurs grandes palettes de devant ?
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